10.06.2007

143. Hermine Asaky : "Un attendrissement aussi doux ..."

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Hermine ASAKY fut la seconde épouse d'Edgar QUINET. Cette roumaine vécut avec son mari à Amphion et surtout à Veytaux, près de Chillon, de 1858 à 1870.
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Après la France, nul lieu sur la terre ne me causa un attendrissement aussi doux que le lac Léman, vu pour la première fois dans la matinée du 5 septembre. Nous étions là, en face de ces eaux bleues, de ces montagnes légèrement voilées, vaporeuses, sur lesquelles flotte je ne sais quelle magie. Ce lac réunit à tous les genres de beauté visible ce charme inexprimable qui saisit le cœur et l’imagination. Les plus beaux génies de la terre semblent avoir choisi ces bords pour leurs rendez-vous éternels. Le golfe mystérieux de Chillon était voilé par des nuages bronzés. Cette contemplation silencieuse est tellement absorbante que nous quitterons Lausanne sans avoir vu autre chose que le paysage en face de nos fenêtres. [...] Le temps fut magnifique tout ce mois de septembre et d’octobre, le ciel d’un bleu pur, le miroir du lac aussi brillant que le ciel, bleu comme la Méditerranée, nous enveloppant de toutes parts. Quel silence, on n’entendait que le clapotement des vagues expirant sur la grève : en face de nous, les montagnes de France ; sur l’autre rive, Lausanne dont on voyait le soir les lumières. Pour tout mouvement dans ce tableau tranquille, quelque voile de pêcheur qui passe et repasse, serrant de si près le rivage que l’ombre se projetait sur notre livre, quand on lisait sur la galerie. Pas un souffle dans l’air. Nos châtaigniers ne remuaient pas une feuille ; les eaux étaient d’une transparence d’émeraude et de saphir.