3.12.2007

56. Lord Byron et le lac Léman. 2/2.

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Vue intérieure du château de Chillon


2/2. […] L'aspect du ciel est changé ! Quel Changement ! O nuit, orages, ténèbres, vous êtes admirablement forts et néanmoins attrayants dans votre force comme l'éclat d'un oeil noir dans la femme. Au loin, de roc en roc, et d'écho en écho, bondit le tonnerre animé. Ce n'est plus d'un seul nuage que partent les détonations, mais chaque montagne a « trouvé une voix et à travers un linceul de vapeurs, le jura répond aux Alpes qui l'appellent. […] Et la nuit règne : nuit glorieuse ! tu n'as pas été faite pour le sommeil ! Laisse-moi partager tes sauvages et ineffables délices et m'identifier à la tempête et à toi ! Le lac étincelle comme une mer phosphorescente et la Pluie ruisselle à grands flots sur la terre.
Pendant quelque temps tout redevient ténèbres ; puis les montagnes font retentir les éclats de leur bruyante allégresse. […] Cieux, montagnes, fleuves, monts, lacs, éclairs, seul avec le vent, les nuages, le « tonnerre et une âme capable de vous comprendre, vous méritiez bien que je veillasse, pour vous contempler. Le roulement lointain de vos voix expirantes est l'écho de ce qui ne meurt jamais en « moi mais, où allez-vous, ô tempêtes ? […] L'aurore a reparu avec sa rosée matinale, son haleine embaumée, ses joues rougissantes, son sourire écarte les nuages ; joyeuse comme si la terre ne contenait pas un seul tombeau, elle ramène le jour, nous pouvons y reprendre la marche de notre existence et moi, ô Léman, je puis continuer à méditer sur tes rives.(1) » Lord Byron "Œuvres". Hachette.


(1) L'orage auquel le poète Lord Byron fait allusion eut lieu le 13 juin 1816.

55. Lord Byron et le lac Léman. 1/2

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Le château de Chillon


1/2. Ici, être seul ce n'est point être malheureux, car j'y vois beaucoup de choses désirées, et surtout je puis contempler un lac charmant. […]. J'aime le Léman et sa nappe de cristal, miroir où les étoiles et les montagnes voient reproduire leur image tranquille dans la profondeur de cette eau limpide qui reflète « les formes et les couleurs. […]
Voici venir la nuit silencieuse : depuis les bords jusqu'aux montagnes, le crépuscule jette le voile de ses molles ombres; pourtant tous les objets se détachent encore distinctement à l'horizon, à l'exception du sombre Jura dont on découvre à peine les flancs escarpés en approchant du rivage, on aspire le vivant parfum qui s'exhale des fleurs à peine écloses ; l'oreille attentive suit le bruit léger de la rame, on écoute les derniers chants du grillon.
[…] Le ciel et la terre se taisent, ils ne dorment pas, mais ils retiennent leur haleine, comme nous faisons dans un moment d'émotion vive ; ils sont muets comme nous quand une pensée préoccupe profondément. Le ciel et la terre se taisent, du cortège lointain des étoiles jusqu'au lac assoupi, et à la rive montagneuse, tout est concentré dans une vie intense où il n'est pas un rayon, pas un souffle, pas une feuille qui n'ait sa part d'existence, et ne sente la puissance de l'Etre créateur et conservateur de toute chose. Lord Byron "Oeuvres".