10.06.2007

137. Charles-Ferdinand Ramuz : "C'est à l'eau qu'on doit le vin"

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Quand on sort du tunnel de Chexbres, on est d’abord dans l’éblouissement. On vient de quitter la lumière adoucie et terne qui est celle des pays trop verts qu’assombrissent les sapins : on est, tout à coup, entre deux nappes bleues dont l’une est en haut, l’autre en bas, et en face de vous est une espèce de mur bleu, d’un bleu plus pâle et transparent, qui est les Alpes de Savoie. On est sur le flanc d’une immense conque dont les parois sont revêtues d’azur et l’intérieur en est occupé par une espèce de brume blonde dont on ne sait d’où elle vient, étant partout. Car ici, est-il dit, nous avons deux soleils, et c’est à l’eau qu’on doit le vin.
Qu’est-ce qui vous envoie cette chaleur à la figure ? Elle vous cuit la figure. Les saisons qui ailleurs descendent du ciel, ici c’est du lac qu’elles montent. Il s’agit que les yeux habitués au nords s’accoutument au midi, car c’est le Rhône ici, et le Rhône glorieusement descend à la Méditerranée, ouvrant un chemin que les hommes ont remonté jusqu’à la source du fleuve.
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Brume sur le port de plaisance d'Evian