3.03.2007

29. A la mémoire du Prince de Brancovan.


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Au bord du quai d'Evian, par un jour froid de novembre, le monument érigé en mémoire du prince Bassaraba de Brancovan, père de la Comtesse de Noailles.
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28. Alphonse de Lamartine : "Mémoires".

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"Tout était vide et calme. Seulement j'apercevais, au-delà de la ligne bleue, dessinée en pleine eau par le lac, la barque de Lausanne qui penchait sa voile sous le vent, en labourant les vagues à une demi-lieue de moi. Quelques oiseaux blancs, aux longues plumes triangulaires, voguaient ou plongeaient entre la terre et la barque, puis disparaissaient en la suivant. On n'entendait aucun bruit. Tout faisait silence". (Mémoires inédits)

27. Jean-Jacques Rousseau : "A propos de la Nouvelle Héloïse."

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"Pour placer mes personnages dans un séjour qui me convint, je passai successivement en revue les plus beaux lieux que j'eusse vus durant mes voyages. Je songeai aux iles Borromées mais j'y trouvai trop d'ornement et trop d'art pour mes personnages. Il me fallait cependant un lac et je finis par choisir celui autour duquel mon cour n'a jamais cessé d'errer. Le contraste des positions, la richesse et la variété des sites, la magnificence, la majesté de l'ensemble, qui ravit les sens, émeut le coeur, élève l'âme, achevèrent de me déterminer et j'établis à Vevey mes jeunes pupilles" (A propos des héros de la Nouvelle Héloïse.)
--------------------"Nous avançames ensuite en pleine eau. [...]. Là, j'expliquais à Julie toutes les parties du superbe horizon qui nous entourait. Je lui montrais de loin les embouchures du Rhône dont l'impétueux cours s'arrête tout à coup au bout d'un quart de lieue et semble craindre de souiller de ses eaux bourbeuses le cristal azuré du lac.
Je lui faisais observer les redans des montagnes dont les angles corespondants et parallèles forment dans l'espace qui les sépare un lit digne du fleuve qui le remplit. (La Nouvelle Héloïse)
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Le Rhône se jette dans le Léman, entre Le Bouveret et Villeneuve, à l'est du lac.

26. Voltaire : "Séjour à Lausanne"

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On joue si bien la comédie à Lausanne, il y a si bonne compagnie que j'ai fait, enfin, l'acquisition d'une belle maison au bout de la ville [...] . Je verrai de mon lit le beau lac Léman. Cent jardins sont au-dessus de mon jardin. Le grand miroir du lac les baigne.
Je vois toute la Savoie au-delà de cette petite mer et, par delà, les Alpes qui s'élèvent en amphithéâtre et sur lesquels les rayons du soleil forment mille accidents. Dans cette douce retraite, je ne regrette pas Postdam.
Voltaire (1694-1778) Correspondances
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Au départ d'Evian, vers Lausanne.

25. John Ruskin : "Au bord du lac de Genève".

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C'est au bord du lac de Genève que mon âme et ma foi se reportent encore aujourd'hui quand un sentiment généreux, une pensée de charité et de paix y germent encore. [...]
Ce petit coin fut le centre de la pesnée religieuse et sociale, de la beauté phyique pour l'Europe qui vit, je veux dire pour l'Europe qui pense. Genève fut le foyer de la pensée, de la sensibilité et de la science. Elle fut l'école de Saussure et de Calvin, de Byron et de Rousseau, de Turner, et j'allais dire, la mienne. (in Praeterita)
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Critique influent, passionné et exigeant, John Ruskin (1819-1900) est diplômé de l'université d'Oxford où il étudie la peinture. Homme du XIXe siècle, ses théories se fondent sur le retour à la nature. Il prône le retour à la pureté de la peinture italienne dans une Angleterre victorienne. Il est également un allié de Turner dont il apprécie le naturalisme.

24. Anna de Noailles : "Notre Amour"

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Notre amour sera gravé ainsi qu'un Dieu vieilli
Qui se croit éternel et sent l'autel qui tremble,
Et nous serons tous deux les servants recueillis
Du mystère sacré qui nous isole ensemble.

Nous serons les élus et les proscrits hautains;
La vie autour de nous insultera nos rêves,
Nous sentirons pleurer dans ses mornes festins
Notre amour infini parmi les choses brèves.

Notre amour est le vase empli d'or et de nard
Que nous portons tous deux en tremblant d'en répandre;
Rien ne nous vient de nous, et le sombre hasard
Nous confie un trésor dont il nous fait dépendre.

Nous nous enchanterons du périssable attrait
Et des vives clartés du jour qui se consume,
Et nos sourires même auront l'air d'un regret;
Nous ne serons jamais joyeux sans amertume,

Car nous refuserons le bonheur calme, offert
A ceux que n'émeut point la sirène ondoyante :
Le parfum qui s'égare et le son qui se perd
Nous verseront à flots leur volupté fuyante.

Dédaigneux des efforts et des réalités,
Nous goûterons, muets patriciens du rêve,
Les trésors savoureux de nos oisivetés
Aux languissants détours de l'heure qui s'achève.

Les hommes cherchent l'or et la gloire autour d'eux,
Leur vanité se plie au joug de leurs chimères;
Nous n'aurons de fierté que d'être beaux tous deux
Dans le fragile essor des grâces éphémères.

Au printemps nous irons errer nonchalamment
Dans la moiteur des prés. Les guêpes querelleuses
Nous berceront l'été d'un mol bourdonnement,
Et l 'hiver nous aurons des tendresses frileuses.

Notre ardente ferveur et nos effusions
Iront grossir la somme inutile des choses,
Mais qu'importe aux étés, ivres d'éclosions,
Ce que pèse à l'hiver la poussière des roses ...

23. Emmanuel Berl : "Dialogue à propos d'Anna de Noailles"

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E.B. : Mon cousin Henri Franck était, si vous voulez, une sorte de Péguy juif, avec une certaine ferveur, une certaine inquiétude en plus […] Mon cousin Henri Franck était un véritable « rêveur du ghetto », un archange. Il vivait dans un rêve. Il était entré à l'Ecole Normale sans connaître la différence des sexes, lui qui avait deux sœurs. Un angélisme parfait. Il oubliait de manger ! Il a eu une très grande influence sur moi. Il m'a fait découvrir la musique, Wagner, Debussy... Je n'ai eu pour personne d'admiration aussi grande que pour lui. C'était une admiration d'adolescent. Sa mort m’a frappé autant que celle de mes, parents.[…]
P.M. : C'est par Henri Franck que vous avez connu Anna de Noailles ?
E.B. : Anna de Noailles avait beaucoup aimé mon cousin Henri. Elle a été touchée par l'admiration éperdue que j'avais pour lui et le désarroi où me laissait sa mort, survenue peu de temps après celle de ma mère. Elle a eu la gentillesse de m'emmener à Munich entendre Wagner. Elle avait trente-sept ans, et moi dix-neuf.
P.M. : En quelle année ?
E.B. : En 1912, je crois. J'ai été la voir à Lausanne... J'ai séjourné chez elle, à Evian.
P.M. : Elle était comment ?
E.B. : Elle n’arrêtait pas de parler, jusqu'à épuisement. Un monologue où tout passait . interrogations métaphysiques, interjections lyriques, commérages. Elle croyait à son génie. Elle croyait sincèrement qu’elle n'avait pas le droit de se taire. Elle écrivait une poésie oratoire, rhétorique, qu'on ne lit plus beaucoup aujourd'hui. Elle m'avait fait corriger les épreuves d'un de ses recueils de poèmes « Les Vivants et les Morts ». Je crois qu'on a été un peu injuste pour sa poésie. Surtout les puritains de la N.R.F., Gide en particulier qui la détestait. C'était le style d'avant 14, le côté D'Annunzio. Moi, je l'ai connue au plein de sa splendeur. A cette époque, on était persuadé qu’elle était un poète de génie, l'égale de Vigny et Lamartine. Barrès le premier. Il était éperdu d'admiration pour elle.
P.M. : Barrès?
E.B. : Oui. Il était épaté, ébloui par le côté exotique d'Anna de Noailles, moitié, roumaine, moitié grecque. Ça le fascinait, lui, lorrain, ce côté mystérieux et oriental. D'autant qu’Anna de Noailles jouait volontiers à l'orientale en exil ! Il s'est inspiré d'elle pour le personnage d’Astiné Aravian, dans « Les Déracinés »
P.M. : Et vous, vous l'admiriez ?
E.B. : Ah oui ! j'étais subjugué. Comme tout le monde Pétait à cette époque, comme Cocteau que j'ai connu chez elle, rue Scheffer. C'est très difficile à comprendre aujourd'hui, le côté théâtral, sublime, d'avant 14. Sarah Bernhardt jouait comme Anna de Noailles écrivait. Je l’ai vue dans Andromaque... Ce côté « sublime », il y en a encore des traces chez Cocteau, et même, dans un certain sens, chez Malraux. J'ai côtoyé, avec Anna de Noailles, tout ce monde d'avant 14 ! Elle m'a fait rencontrer Edmond Rostand, D'Annunzio……..
P.M. : Et Barrès ? Il a eu une influence sur vous ?
E.B. : Aucune. En revanche, il a beaucoup influencé Aragon.[…] Il avait évidemment de très grandes qualités. Seulement, j'ai été entouré de barrésiens tellement absurdes que je m'étais dit : Je n'en veux pas. Tous les amis de mon cousin, tous les gens qui avaient quatre ou cinq ans de plus que moi trouvaient que c'était mieux que Chateaubriand, que rien n'était mieux, en somme. La littérature française commençait et s'arrêtait avec Barrès. Moi, je n'y ai pas pensé beaucoup, parce qu'on m'avait tellement embêté avec, quand j'avais onze ans, qu'à dix-huit j'avais déjà fait mes anticorps ![…] Il y avait des côtés « humour » chez Barrès. Je me souviens que chez Anna de Noailles, j'avais découvert un exemplaire des « Doctrines du nationalisme ». Il l'avait fait relier lui-même, et quand on l'ouvrait on tombait sur trois cents pages blanches, avec en première page la dédicace suivante : « A Anna de Noailles, ce livre tel qu'elle désirerait qu'il fût ».

22. Etienne Piver de Sénancour : "Autour du lac ...."

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Si j'étais un autre, j'essayerais de vous peindre ces monts neigeux et embrasés, ces vallées vaporeuses, les noirs escarpements de la côte de Savoie, les collines de Lavaux et du Jorat, peut-être trop riantes mais surmontées par les Alpes de Gruyère et d'Ormont ; et les vastes eaux du Léman, et le mouvement de ses vagues et la paix mesurée. [...]
Je me suis assis auprès de Chillon sur la grève. Le lac est bien beau lorsque la lune blanchit nos deux voiles, lorsque les échos de Chillon répètent les sons du cor, et que le mur immense de Meillerie oppose des ténèbres à la douce clarté du ciel, aux lumières mobiles des eaux ; quand elles font entendre au loin leur roulement sur les cailloux innombrables que la Veveyse a fait descendre des montagnes. [...]
Ce beau bassin de la partie orientale du Léman, si vaste, si romantique, si bien environné ; ces maisons de bois, ces chalets, ces vaches qui vont et reviennent avec leurs cloches des montagnes ; les facilités des plaines et la proximité des hautes cimes [...] la douceur d'une terre qui voit le couchant, mais le couchant éloigné du Nord ; cette longue plaine d'eau courbée, prolongée indéfiniment, dont les vapeurs lointaines s'élèvent sous le soleil du midi, s'allument et s'embrasent aux feux du soir et dont la nuit laisse entendre les vagues qui se forment, qui viennent, qui grossissent et s'étendent pour se perdre sur la rive où l'on repose.
Etienne Piver de Sénancour (1770-1846)
Obermann (1804)
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Ce texte, d'un auteur aujourd'hui relativement oublié, est emprunté remarquable "Guide du Léman" du Professeur Paul Guichonnet. Dans un long chapitre consacré au "Léman dans la littérature et la peinture" l'auteur propose un florilège d'extraits toujours très significatifs, auquel j'ai pris la liberté de faire parfois appel dans ce blog".

21. Le jardin votif Anna de Noailles. 4/4

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Les vers gravés sur la colonne centrale du monument votif
en hommage à la Comtesse de Noailles

20. Le jardin votif Anna de Noailles. 3/4.

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"On connaissait très bien toutes les découpures
Des plantes qui luisaient au gazon du jardin.
On était attendri de voir que, sans dédain,
Les arbres supportaient autour des branches torses,
Les petites fourmis qui couraient sur l'écorce.
Le bois jetait au loin ses parfums et son bruit;
Comme les pépins sont enveloppés du fruit
Nos coeurs étaient vus de ta chair odorante".
(La nature et l'homme)

19. Le jardin votif Anna de Noailles. 2/4.

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"J'ai pour mon usage tout le premier étage, avec un vaste balcon de bois d'où je domine, à gauche, le petit port Bassaraba, en face le Léman avec Lausanne étagés sur son coteau violet en écrin scintillant, et, à mes pieds, le jardin fleuri. A certaines heures de la matinée et du soir, cet aspect du lac est d'une invraisemblable splendeur" (Lettre de Mariéton invité à Amphion en 1892)
Le monument votif, vu depuis le lac.

18. Le jardin votif Anna de Noailles. 1/4.

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Anna de Noailles meurt à Paris le 30 avril 1933.
En 1938, ses amis font élever, dans le jardin même de la villa Bassaraba,
à Amphion, où elle avait vécu, un temple votif conçu par Emilio Torry.
C'est sur la colonne de ce temple que sont gravés les vers :
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"Etranger qui viendra lorsque je serai morte,
Contempler mon lac genevois,
Laisse, que ma ferveur dès à présent t'exhorte,
A bien aimer ce que je vois"


Le monument votif Anna de Noailles, entre Evian et Amphion.

17. Louis Perche : "Poètes d'aujourd'hui". 2.

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Des raisons liturgiques ont empêché que le coeur d'Anna de Noailles fut légué au couvent des Clarisses, après sa mort. On le déposa dans le cimetière de Publier, en souvenir d'un poème des Forces Eternelles :

Pousse la porte en bois du couvent des Clarisses,
C'est un balsamique relais,
La chapelle se baigne aux liquides délices
De vitraux bleus et violets
Peut-être a-t-on mis là, comme je le souhaite,
Mon coeur qui doit tout à ces lieux [...]
S'il ne repose pas dans la blanche chapelle
Il est sur le coteau charmant
Qu'ombragent les noyers penchants de Neuvecelle,

Demain, montez y lentement.

16. Louis Perche. "Poètes d'aujourd'hui". 1.

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Une autre image à retenir , et qui hanta durant toute son existence le souvenir de la comtese de Noailles : celle du couvent des Clarisses d'Evian, où elle se rendait le dimanche, avec un plaisir si fort, écrivait-elle en 1913 en se le remémorant, qu'il lui semblait y "avoir failli mourir de la joie de vivre"

Le clocher du couvent des Clarisses d'Evian, aujourd'hui démoli. A sa place a été construit le quartier de la "Rénovation".

15. Francis Wey : "Récits d'histoire et de voyage. 1865. 5/5.

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5. Transformé tout à la fois à ses deux extrémités, au bord du lac et au sommet de la côte, Évian changera d'aspect; mais la vieille ville, avec ses manoirs, ses clochetons et ses logis claustraux qui entourent l'église, gardera sa physionomie de bourgade bretonne battue par la vague; poétique ressemblance que le style du monument contribue à rappeler. Cette collégiale dont il faut bien dire un mot, appuyée à une tour qu'un clocher couronne, remonte, dit-on, à la fin du quatorzième siècle ou aux premières années du quinzième. Les voûtes ogivales sont larges; leurs nervures, les croisillons des fenêtres, les entablements des colonnes sont d'un travail curieux. Ce temple est orné d'une chaire à petits pilastres, adossée en forme de bénitier à un pilier que contourne un escalier de pierre : cet appareil original porte le millésime de 1600.
Bien qu'Évian ait été horriblement saccagé par les troupes des sieurs de Guitry et de Sancy qui s'en emparèrent en 1589, ce ne sont pas elles qui ont abattu l'ancienne flèche, ni celle des cordeliers, préservées jusqu'à la Révolution française. En dépit de ces mutilations, Évian, grâce à ses tours et à ses trois châtellenies, forme un contraste saisissant avec l'azur de son lac, la jeunesse de ses campagnes et la beauté renommée des jeunes filles, que l'on voit circuler lestes et souriantes sous leurs petits bonnets ronds. Le sang est généreux au pays de Gavot, comme partout où se trouvent réunies ces cinq conditions: un air très-vif, un climat doux, des eaux pures, un horizon spacieux et un sol richement boisé.

14. Francis Wey : "Récits d'histoire et de voyage. 1865". 4/5.

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4. Comment douter de la cellule, puisque le village voisin s'appelle Neuvecelle, mot que le chroniqueur assombrit d'une patine anglaise en l'écrivant New-Zell ? Comment douter de l'existence de l'ermite, puisque, ancien compagnon de Charles le Téméraire, il a pour caution le Solitaire de feu d'Arlincourt et que d'ailleurs, le châtaignier verdit encore? Je l'ai vu ! De son tronc, tour évidée de quarante-deux pieds de circonférence, dans l'intérieur de laquelle cinq à six personnes peuvent se tenir debout, quatre branches s'élancent qui, séparément replantées, formeraient autant de futaies. Cette légende populaire a vu pour la première fois le jour dans le livre d'un Suisse. […] Et il est toujours amusant de constater comment peut spontanément éclore et s'implanter en peu d'années, dans la crédulité vulgaire, une tradition de quatre cents ans. La réclame, en ce temps-là, naissait à peine à Paris: mais Genève est la patrie d'un peuple avancé. Certain bon vieux paysan m'a récité la Légende de l'ermite comme la tenant de ses aïeux: il le croyait, et il y croyait ! Ma bonne Flandre industrielle, je le constate à regret, s'assimilerait avec plus de difficulté le moyen âge de 1825.
Pourquoi classer sous des étiquettes équivoques les choses bonnes et sérieuses ? Les eaux d'Évian, recommandées par tant de cures, sanctionnées par des analyses irrécusables, mais dont les principes salins ont peu de saveur, n'ont-elles pas à subir déjà le désavantage de ne point infecter, et de n'avoir tué personne ! Un médecin qui n'appliquerait jamais la peine de mort ferait douter de sa puissance: ils savent éviter cet écueil.
Toujours est-il que le renom des bienfaisantes naïades d'Evian va grandissant de jour en jour. Il a fallu construire au sommet de la ville, au milieu d'un beau parc distribué par gradins, un nouvel établissement. Ce palais d'où l'on jouit d'un point de vue splendide, ne communique guère avec la cité que par des ruelles étroites encaissées de murailles, et ces couloirs sont d'une fâcheuse malpropreté. L'ascension, du reste, en est fatigante: pour se rendre compte de la rapidité de la rampe, il suffit de se rappeler que, dans plusieurs maisons, les fenêtres du quatrième étage sur la rue font face à des portes ouvrant de plain- pied sur des jardins.
L'activité française prépare ici d'heureuses métamorphoses. Une grande route embrassant l'étendue de ce versant, va s'étaler en pente adoucie, de Lugrin au-dessus de Meillerie, jusqu'à Publier qui domine Amphion; puis de là, se rabattre sur Saint-Paul et, par de nouveaux lacets, rejoindre le grand .chemin du Biot et du val d'Abondance. Ces belles contrées seront alors ouvertes, le haut de la ville et son établissement seront vivifiés par une magnifique avenue. Au bord du Léman, un large quai va remplacer des murailles sombres et, près du port, un hôtel princier avec des bains et un casino, rivalisera avec les phalanstères somptueux qui, à Lausanne et à Vevey, attirent dit-on la foule sur la rive Vaudoise.

13. Francis Wey : "Récits d'histoire et de voyage. 1865". 3/5.

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3. Je m'aperçois non sans suffisance en relisant cette page, qu'elle ressemble honnêtement à une foule de notices que j'ai lues partout, et encouragé par un résultat si flatteur, je vais aborder Évian avec plus d'assurance ou de présomption, et si je vous parodie avec trop de maladresse, c'est à vous que je m'en prendrai.
« Le succès d’Evian n'est plus en question; mais que d'améliorations réclame un séjour agréable déjà, et qu'il serait si aisé de rendre délicieux ! C'est une vieille cité dépourvue de quai et dont les murs viennent se mirer dans le lac. L'église s'avance dans l'eau comme la carène d'un vaisseau amiral; disposition précieuse pour les peintres, mais qui n'a pas d'autre avantage. Il faudrait approprier aux conditions des résidences thermales une ville construite avant qu'on ait songé. à utiliser les cinq sources, récemment découvertes, qui ont valu à la petite capitale du Jardin de la Savoie une faveur européenne, et qui l'enrichiront un jour.
Tout y avait été combiné pour la défense d'un pays menacé. Trois châteaux, Blonay, Fonbonne, Gribaldi, interceptent les abords du lac. Reliés aux murs crénelés de la cité, ils retranchaient sous leur abri quelques couvents sévèrement enclos. La principale rue, parallèle au rivage, a donc été portée assez haut, et comme le terrain descend par une pente rapide, on a dû la percer étroite et en aligner les hautes maisons dans les espaces praticables. D'où il suit que la perspective du Léman est masquée aux habitants, à moins qu'ils ne gravissent le coteau qui plonge sur la ville. Ce n'est pas avant 1824 que l'on a organisé au milieu de cette voie, sur un terrassement, un premier établissement de bains dont l'accès est loin d'être agréable. Les eaux d'Évian avaient été pourtant découvertes dès l'an 1789, par un gentilhomme de l'Auvergne, le marquis de Lessert. Il est même singulier qu'on ne les ait pas plutôt reconnues, puisque, plus de soixante ans auparavant, la cour de Sardaigne venait chaque année prendre gîte au château de Blonay, afin d'être à portée des eaux d'Amphion, qui malheureusement, appartiennent à l'hospice d'Évian peu en état de les remettre en honneur.
C'est lors d'un de ces voyages, en 1726, que Mme de Warens, étant venue de Vevey pour voir les princes et la cour de Turin, assista à un sermon de l'évêque Rossillon de Bernex et voulut abjurer le protestantisme. Son dessein causa une émeute: les gens de Vevey ayant menacé d'incendier Évian pour enlever cette beauté au milieu de la cour, Victor-Amédée II, dont elle invoqua la protection, la fit conduire à Annecy par quarante gardes.
Si les sources médicales d'Évian avaient été connues alors, il n'est pas douteux que des princes qui aimaient ce peuple fidèle, n'eussent fait quelques efforts pour les mettre en lumière. Que faut-il donc penser de la légende si populaire aujourd'hui, du bon ermite de Neuvecelle ! Voulez-vous que je vous la raconte?
En 1480 (la date est précise), un baron de la Rochette avait une fille qui s'éprit d'un simple écuyer. Il n'osait aspirer à une telle alliance, lorsque le père de son amie étant tombé malade et désespérant de guérir, promit la main de Béatrix à qui pourrait le sauver. L'amant, désolé d'avoir à redouter comme rivaux, outre les seigneurs du voisinage, la corporation des apothicaires, errait dans la campagne, lorsque, au-dessus d'Évian, il reçut l'hospitalité d'un vieil ermite qui s'était construit une cellule dans un châtaignier. Le compatissant solitaire révéla à l'écuyer le secret de la source, dont seul il connaissait la vertu; le vieux baron fut guéri de la gravelle, et l'écuyer du mal d'amour par la panacée du mariage.

12. Francis Wey : "Récits d'histoire et de voyage. 1865". 2/5.

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2. Thonon, où les guerres de religion n'ont rien laissé debout, où les citoyens appauvris par les malheurs publics n'ont pu embellir leurs demeures, où le régime de l'étranger n'a élevé aucun de ces monuments que font ailleurs les communes et les princes, Thonon est admirablement situé, au bord d'une assez haute plate-forme qui domine le lac. Je n'y ai trouvé que deux édifices dignes d'une mention: l'un est l'ancien couvent des Minimes, qui sert aujourd'hui d'hôpital civil; son cloître, de la fin du règne de Louis XIII, offre dans une ornementation recherchée, des souvenirs de la Renaissance avec la lourdeur d'une époque où la pureté des lignes n'était plus de saison. L'autre monument de Thonon, c'est son église paroissiale, mais à l'intérieur seulement; car la façade a été crépie et barbouillée de deux fresques telles, que le peuple de Paris ne souffrirait pas sans faire une émeute, qu'on en montrât de semblables aux regards scandalisés des passants. Entrez dans cette vaste église de village; vous tombez au milieu d'un boudoir du temps où les chicorées s'entremêlaient de lis, de palmiers, de marguerites et de roses. Vous m'avez fait copier tant de notes, que je cède à la tentation de singer mon maître, en essayant à mon tour de crayonner sur le vif. Voyez plutôt ! La nef est un treillage de guirlandes, où voltigent parmi les fruits et les fleurs, en guise d'oisillons, des cupidonneaux sculptés que l'on est obligé de prendre pour des chérubins. Ces reliefs, d'un blanc d'albâtre sur un fond très-faiblement teinté de bleu, réjouissent la vue; c'est une décoration de salle de bal, mais elle est charmante. Une chapelle, à droite, est ornée d'un joli tableau signé B. Glaris; dans celle du baptistère, vous verrez une statue bancale, trapue et étrangement accoutrée, du bienheureux duc Amédée IX, qui naquit en 1435 au château de Thonon. - On a relevé pour vous une kyrielle de dates.
En 1252, Amédée IV fit don à son frère l'archevêque de Canterbury, de ce castel qui protégeait une chapelle et deux couvents : le tout a disparu. C'était une forteresse redoutable, pour ses défenseurs surtout; car chacun l'a prise et reprise. Elle eut même l'honneur d'être bloquée par une flottille. Une jolie promenade, la Place du château, remplace les donjons supprimés à la suite des guerres bernoises. La terrasse, bordée d'un parapet où l'on vient s'accouder à l'ombre des tilleuls, est exposée sur le lac en face d'un beau point de vue. Un obélisque commémoratif consacre la situation de la résidence favorite d'Amédée VITI, avant qu'il habitât Ripaille, étalé sur la rive à peu de distance: l'inscription rappelle aussi les noms du duc Louis et d'Amédée IX.
[…] Thonon va se transformer. Les rues assainies, les places animées par des fontaines préludent à des entreprises qui vous intéresseront. On commence à bâtir une sous-préfecture qui sera un monument véritable; sur le rivage, on trace un beau port de commerce, qui fera de Thonon le Marseille de cette petite Méditerranée. Mais la complète régénération de la ville sera l'œuvre d'une Société qui vient de se constituer pour l'exploitation des eaux médicinales de ce littoral de la Savoie. Elle doit amener du pied des Allinges, jusqu'à Rives, hameau de pêcheurs situé sous le roc de Thonon, les eaux alcalines de la Versoix, qui contiennent un principe résineux et benzoïque apprécié dès le dix-septième siècle, sources recommandables par une série de cures non interrompues. Un bel établissement de bains s'élèvera devant le port, de nouveaux hôtels se grouperont alentour; des chalets hospitaliers, disséminés aux sites les plus en renom et notamment au sommet des Allinges, donneront pour auxiliaires à la thérapeutique des eaux, les plaisirs champêtres qu'on va chercher ailleurs, et Thonon deviendra une des retraites favorites des gens de loisir.

11. Francis Wey : "Récits d'histoire et de voyage. 1865". 1/5

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1. Quand vous verrez la jolie retraite où je vous attends au bord du lac de Genève, son nom qui éveille des idées mythologiques vous paraîtra moins ambitieux. Seulement, vous penserez comme moi que l'instrument d'Amphion n'a pas accompagné de ses accords la construction de Thonon, ni celle d'Évian, deux villes séparées par une courte distance et qui ne doivent rien, je le regrette, à un fils de Jupiter.
Elles se présentent, cependant, avec tant de grâce au voyageur embarqué sur les eaux du Léman, qu'en arrivant du Boveret, je n'ai pas eu le courage, après avoir passé devant Évian, de résister aux séductions de son chef-lieu et je me suis fait descendre à Thonon. On y déjeune mal, on y est logé plus mal encore. Gite peu attrayant pour un touriste fatigué. Je me suis hâté de parcourir la ville et de prendre une voiture pour rebrousser chemin jusqu'à Évian, où il faut constamment monter ou descendre, inconvénient pour moi, dans l'état où m'ont mis mes dernières aventures. Voilà pourquoi je suis venu chercher à Amphion, entre ces deux localités, un asile plus favorable au repos. […]
Pour occuper mes loisirs, je les partage entre la lecture et des promenades assez courtes; car on peut, sans aller bien loin, rencontrer des merveilles en si grand nombre, que les deux cités mes voisines groupent autour d'elles vingt-huit motifs bien comptés d'excursions intéressantes. Ce pays qui borde mon lac si bleu n'est à vrai dire que le cadre d'un miroir; mais l'ornementation en est si riche, qu'elle cause un perpétuel étonnement. Aperçu du milieu des eaux, ce terrain, aux cultures entremêlées d'arbres comme on n'en voit nulle part, et dominé par des montagnes, fait l'effet d'un simple coteau comme ceux de la Seine en Normandie; mais, dès qu'on veut gagner le plateau par les châtaigneraies du pays de Gavot qui a Évian pour chef-lieu, on est tout surpris d'avoir à monter deux ou trois heures à travers un jardin d'Armide. Partout, la végétation se développe sur des proportions énormes. Des arbres morts, plantés avec leurs rameaux le long du rivage, servent de tuteurs aux vignes, qui vêtissent ces crosses de leurs pampres, et font pleuvoir du sommet, des cascades de raisins. […]
Vous voyez que j'ai la tête un peu montée et que, vous ayant devancé dans le bas Chablais, je ne crains pas d'abuser de mon avantage pour devenir cicerone à mon tour. Mon palais aquatique d'Amphion a les pieds dans l'eau. Je pourrais pêcher la truite et les ferrats des fenêtres du salon. Le golfe a quatre lieues de largeur, et on découvre à l'autre rive les versants du Jorat, le coteau de Lausanne, les lignes du Jura, où l'œil se perd. Quelle retraite pour se remettre de l'agitation des villes, ou de la fatigue des excursions alpestres !
Cette résidence a pour prétexte une source d'eau ferrugineuse acidulée, analysée en 1772 par Tingry, et où l'on vient boire la santé, et recouvrer des forces que l'on ne dépense guère ici. Les eaux attirent chaque matin des caravanes de malades qui ont la mine de s'en trouver à merveille. Leur visite anime pendant quelques heures le jardin du petit établissement d'Amphion, d'où l'oh rayonne avec facilité, grâce à un service d'omnibus, sur Thonon et sur Evian. Je suis fortement tenté, pour y abréger votre séjour et me donner les airs d'un voyageur, de vous dire quelques mots à propos de ces deux cités. Je suis si désœuvré et les soirées sont si longues.

10. Le château de Chillon : histoire abrégée.

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Le château de Chillon se trouve sur les rives du lac Léman, à Veytaux en Suisse. De forme oblongue, il mesure 110 mètres de long pour 50 mètres de large. Le donjon culmine à 25 mètres. S'il est difficile de remonter aux origines de ce lieu, des fouilles menées au XIX° siècle témoignent d'une occupation défensive, sous la forme d'une double palissade, dès l'âge du bronze. Fortifié par les romains Chillon reçoit un donjon carré au IX° siècle. Successivement occupé par la maison de Savoie puis par les bernois de 1536 à 1798, il appartient désormais à l'Etat de Vaud.
Le château de Chillon est construit sur un rocher avançant dans le lac entre Montreux et Villeneuve avec d'un côté un versant escarpé et de l'autre côté le lac et son fond abrupt. L'endroit est stratégique : il ferme le passage entre l'accès vers l'Allemagne et la plaine du Rhône qui permet d'atteindre l'Italie. Il offre un excellent point de vue sur la côte savoyarde. Les premières constructions remonteraient au Xè siècle mais l'endroit fut un emplacement militaire privilégié avant cette date. C'est en 1150 que le château de "Chillun" est mentionné pour la première fois dans un texte échangé entre les évêques de Sion et les comtes de Savoie.
La maison de Savoie transforme la forteresse, alors "Castrum Quilonis", et l'agrandit durant le XIIIe siècle tout en conservant l'ancienne chapelle. Les Savoyards veulent étendre leur suprématie sur le pays de Vaud et les zones limitrophes. Mais le château n'est pas qu'une place forte; il sert également de résidence. Thomas Ier y séjourne aux alentours de 1230. Lui et son fils, Pierre II, "le Petit Charlemagne", vont réorganiser la région proche du château en construisant des bourgs, en dominant le Chablais vaudois. (encyclopédie Wikipédia)

09. Lord Byron : "Le prisonnier de Chillon".

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** The Prisoner of Chillon fut composé par Byron en 1816 après sa visite du célèbre château, lors du tour en bateau du Lac de Genève qu'il fit avec Shelley en juin 1816. Le poète fut très impressionné par l'histoire de François de Bonnivard qui, au XVIème siècle, conspira avec les patriotes genevois pour secouer le joug du Duc de Savoie et fut emprisonné par deux fois dans les cachots du Château, au dessous du niveau de l'eau. Dédaignant quelque peu l'exactitude historique, il fait de Bonnivard, qui au milieu des affres de sa captivité conserve sa souveraine liberté intérieure, un vivant symbole de la résistance à l'oppression. Le vibrant "Sonnet of Chillon" qui accompagne ce texte est un hymne admirable dans lequel Byron s'affirme comme le dénonciateur de toutes les tyrannies.
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** François Bonivard était savoisien, mais il devint bourgeois de Genève et son œuvre essentielle concerne sa ville d’adoption. Il était né à Seyssel en 1493. Issu d’une famille en vue dans le duché, il avait pour père Louis, seigneur de Lompnès dans le département actuel de l’Ain. Il avait fait ses études de grammaire à Pignerol où son oncle Jean-Amé était abbé. En 1513, on le trouve à Fribourg-en-Brisgau où il fait des études de droit, qu’il poursuit à Turin, en 1517. Vers ce temps, il se lie avec des partisans de l’indépendance genevoise. Son oncle avait renoncé en sa faveur dès 1510 au grand prieuré Saint-Victor de Genève. Il en fut dépossédé.. L’affaire contribua à envenimer ses relations avec Charles III. A Genève même, elle lui valut des tribulations. Le duc de Savoie le retint prisonnier à Chillon en 1530. Il en devint le symbole de la liberté opprimée. Les Bernois le délivrèrent quand ils occupèrent le pays de Vaud en 1536. Le chapitre quitta Genève, suivant l’exemple de l’évêque Pierre de la Baume qui avait déserté dès 1533. La Seigneurie n’était plus dans la souveraineté savoyarde : la Réforme s’imposait. Bonivard s’y était rallié, d’autant plus aisément qu’il était en rupture avec le duc . Mais ses tribulations ne cessèrent pas pour autant. Il ne parvint pas à récupérer son prieuré devenu "bien national" et ses quatre mariages suscitèrent des conflits de toute sorte. Il mourut à Genève en 1570.

08. Lord Byron : "Clarens, sweet Clarens".

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"Clarens, sweet Clarens, birth place of deep love" "Clarens, doux Clarens, berceau du profond amour". On respire dans ton air le souffle de la pensée jeune et passionnée; tes arbres ont leur racine dans le sol de l'amour; ses couleurs se reflètent sur les neiges de tes glaciers et les derniers rayons du soleil couchant y déposent affectueusement une teinte rosée.
L'amour nous y parle encore jusque dans ces rochers immuables où le héros de la Nouvelle Héloïse chercha un asile contre les agitations du monde, ses soucis, ses cuisantes douleurs, ses décevantes espérances" (Childe harold, chant III)

Entre Clarens et Montreux, sur la Riviera Vaudoise

07. Lord Byron : "Au château de Chillon".

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"Le lac Léman baigne les murs du château de Chillon. Du haut des blancs créneaux la sonde s'enfonce à mille pieds dans la profondeur de ses ondes qui enveloppent le donjon de toutes parts. Ainsi la double barrière de la pierre et des flots faisait de notre cachot une tombe vivante. L'obscur caveau où nous gisions est construit plus bas que le niveau du lac. Nous entendions jour et nuit les flots battre la muraille au-dessus de nos têtes. [...] Le roc lui-même tremblait alors et je le sentais trembler sans crainte, car j'aurais accueilli en souriant la mort qui m'eût délivré » (Le prisonnier de Chillon )

Le chateau de Chillon, en quittant le débarcadère

06. Anna de Noailles : " En ces matins d'octobre ..."

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"En ces matins d'octobre, l'absence de baigneurs rendait à la navigation industrieuse les bateliers tous enrôlés, en été, dans le service des sources ou du port mouvementé d'Evian-les-Bains. Des voiliers chargés de graviers, larges barques bien ouvertes, dessinaient sur l'horizon, divisé par la ligne des montagnes, d'un bleu accentué, la forme d'un ange parcourant les flots. Les balcons et les terrasses des villas empiétant sur l'espace semblaient aider l'homme à conquérir un peu plus de cet azur qui le tente, et paraît le guider vers le bonheur." (Le livre de ma vie)

La "galère" de la commune de Morges (CH)

05. Anna de Noailles : "Le mois de cristal ...."

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"Nous étions de très petits enfants, heureux à Amphion, en octobre. Ce mois de cristal est le plus beau qui soit au bord du lac Léman. L'été finissant traîne ses caresses ensoleillées sur les prairies encore en fleur et qui soupirent de satisfaction. Les rayons plus vifs du matin amolissent l'onde en sa profondeur, jusqu'à tenir oppressée et immobile la vive et preste truite. Les oiseaux pris de vertige tournoient sans discernement dans une confusion bleuâtre, se trompent d'élément, pénètrent les vagues, d'où ils rejaillissent, si bien qu'on croit voir une hirondelle qui nage ou une ablette ailée" (Le livre de ma vie)

"La Savoie", barque du Léman, reconstruite entre 1997 et 2000.

04. Anna de Noailles : "J'ai goûté des moments de paradis à Amphion"

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"Petite fille, j'ai certes, goûté des moments de paradis à Amphion, dans l'allée des platanes étendant sur le lac une voute de vertes feuilles; dans l'allée des rosiers, où chaque arbuste, arrondi et gonflé de roses, laissait choir ses pétales lassés sur une bordure de sombres héliotropes. [...] Un azur sans défaut comblait l'espace et se tenait suspendu sur l'azur faiblement mouvementé du lac". (Le livre de ma vie)
Le quai d'Evian, en hiver