11.01.2008

300. Le Léman, un sublime ressassement.

------------------------
5. Sans doute, le lac est-il passage, grâce au bateau qui permet de le traverser, d'atteindre l'autre rive, celle d'en face, celle de l'au-delà, du rêve, du mystère et de l'inconnu. Mais il y a volontiers dans ce lac des symptômes d'autonomie, d'une vie propre qui appartiendrait aux secrets du fantastique, qui donne naissance à l'imaginaire et à ses légendes, tout en entrant au même instant dans le réel, corps semblant abandonné, oublié mais puissamment présent, métaphysique tout en déroulant ses arabesques et ses enjolivures, traits d'une écriture sibylline léguée dès la conscience du monde. Il veut être à l'origine, à la source, au moment mythique de l'harmonie de la genèse, proliférant d'une vie mystérieuse et incontrôlable, mais d'une inquiétante étrangeté qu'il faudrait savoir décrypter à travers l'impureté des signes et des symboles.

299. Le Léman, un sublime ressassement.

-------------------------------------

4. Mais son silence n'est que relatif, à l'image d'une respiration tranquille, profonde, consciente du sentiment du temps aboli, sans que l'on ait l'impression du passé ou du futur, un silence chargé d'intentions, de tumultes cachés ou de méditation, à la fois fait de détente et de tension, d'apaisement et de pulsion, d'absence et de puissance.
Et c'est bien ce que l'on perçoit du lac nocturne, un lac de sommeil empli de rêves, un univers fermé, jalousement étreint et défendu mais superbement présent dans sa phosphorescence, comme apprivoisé par les constellations rapprochées de ses rives "alors que les oiseaux blancs ont refermé leurs ailes" dans l'engloutissement de l'ombre. Le mouvement, vers l'aube, laissera longtemps persister des coins d'ombre, des traînées d'une aérienne rosée, d'infinis reflets captés par le miroir liquide distordu […] .

298. Le Léman, un sublime ressassement.

---------------------------
3. Vaste ornière où se dissout le firmament, fracture à la jonction de tous les étranges comme de tous les extrêmes, né du sursaut de l'ombre et des glaciers hostiles, le Léman est riche de la lumière dispersée et des vertiges de l'espace. Il sait emprunter à la palette du ciel de bien savantes couleurs, composer avec la lumière et les jeux de l'éclairage, passant, dans sa fantaisie ou sa violence, du blanc au noir à l'instar du mystère de la pellicule, cédant volontiers au clinquant de la polychromie, curieux d'un jaune de Naples ou d'un bleu turquoise, amoureux d'un coloris myosotis ou d'une teinte purpurine. Parfois eau et ciel réunis ne forment qu'une même plage laiteuse tandis qu'à certaines heures, les reflets de la rive ont une densité de pierre.
Savez-vous qu'il existe des jours où se devine, à fleur d'eau, une splendeur argentée comme une bruine lumineuse ? D'autres jours aussi, où dans la touffeur de l'été, l'air, au-dessus de l'eau, possède l'éclat diffus d'un métal blanc. Encore faudrait-il dire le silence du lac ! Sans doute pour le citadin apparaît-il muet en dehors des grandes tempêtes.

297. Le Léman, un sublime ressassement.

---------------------------
2. Ainsi, assujettie sans cesse à l'agitation des airs, la nappe lémanique n'est guère dormante, parcourue de vastes courants en tous sens, de mystérieux contre-courants, soulevée par des pulsations silencieuses, par l'insolite balancement des «seiches» ou par de discrètes marées que le pêcheur d'autrefois connaissait bien.
L'on devine, de la part du Léman, une volonté d'un sublime ressassement, un va-et-vient incessant non dépourvu de volupté, en même temps qu'une maîtrise de la spontanéité, mais avec parfois des soubresauts et des incohérences. En ces lourdes après-midi d'été, vous croyez le lac calme et uni! A bien l'observer, son épiderme est sans cesse agité de quelques frissons, de quelques tressaillements - une sorte de palpitation délicate qui laisse de vagues traînées lisses et un peu plus brillantes.

296. Le Léman, un sublime ressassement.

-----------------------------
1. Carrefour de traces invisibles, d'échos que nulle science ne saurait définir, de contradictions et d'antagonismes qui se dissolvent dans l'imprévisible balancement de l'onde: ainsi apparaîtrait le Léman, ample hésitation ou faille véritable, entre les petits bistrots discrets d'un Chablais qui s'efface et les palaces de la Riviera, les vignes de Lavaux et les vastes domaines du «petit lac», les roselières «du bout du lac» et les nobles capitales de Vaud ou de Genève, entre le murmure et l'éclat, entre la discrétion, voire la méditation, et la voracité. Car c'est bien l'ambiguïté qui caractérise cette masse liquide, à la fois glace et sable, image de l'illusion, miroir obscurci dans le tremblotement des jours. Est-il vraiment le même, soumis à la fantaisie des vents venus de tous côtés, des vents de toutes les couleurs, vent blanc qui fait mûrir les moissons, bise noire aux cruelles morsures, vents des grandes lames et des vastes moutonnements, vents des jours flagellés de pluie, joran qui alarme les barques et fait clignoter les grèves, et toutes les brises aux noms chantants de comptines d'antan, morget ou morgeasson, rebat, fraidieu, marinée ou encore molindre, chamoisine, moulanne, qui disent l'heure tout au long des jours et tout au long des nuits ?

295. Le Léman, voie de communication. 4.

------------------------------------4. Le Léman, du début du XIXe siècle, n'a que fort peu de ports dignes de ce nom. Seule Genève a des installations spécialisées en fonction des marchandises, et Morges a un port bien protégé. Les barques à voiles latines qui sillonnaient le lac venaient donc essentiellement de ces deux villes. Chaque port protégeait ses bateliers en obligeant les barques d'un autre port d'attache, qui venaient de décharger leurs marchandises, der repartir à vide. Même le trafic local était limité. A ce sujet, voilà comment un contemporain jugeait cette réalité : «Le commerce des marchandises qui se fait chez nous par eau consiste en marchandises étrangères et en marchandises du pays. Les premières, quand elles viennent de France, sont embarquées à Morges, à Nyon ou à Genève; celles d'Allemagne, à Ouchy, celles d'Italie, à Vevey. Les marchandises du pays sont vins, fromages, pierres à bâtir de Meillerie, marbre de Roche, tuiles et briques, bois de chauffage et de charpente, foin, fumier, fruits, bestiaux, beurre, paille, grains. Cette navigation est susceptible de progrès et d'augmentation, surtout quand on aura supprimé les statuts gothiques de certains ports qui jusqu'à présent ne permettaient pas à une barque de Genève, arrivée avec son chargement à Vevey, d'y prendre en retour d'autres marchandises pour Genève. Ce privilège est si destructeur de la liberté de commerce, qu'on ne comprend pas qu'il ait subsisté si longtemps." Le "Doyen Bridel" in "Le Conservateur suisse", 1814.

294. Le Léman, voie de communication. 3.


------------------
3. Le XVIIIe siècle ne fut pas différent et, à la fin du siècle, la chute de l'Ancien Régime, la Révolution française et les guerres de l'Empire firent disparaître définitivement ce commerce du bassin lémanique. De plus, une autre révolution se jouait en Europe au début du XIXe siècle, à laquelle la Suisse ne participait pas, du moins pas encore: la révolution industrielle. Par contre le trafic local de produits régionaux était important. Il s'agissait de blé vaudois et de fromages de Fribourg ou du Pays-d'Enhaut pour Genève et Lyon, du sel de la Méditerranée au retour, mais avant tout du bois du Valais et du Jura qui encombrait les ports de Nyon, Morges et de la Fusterie à Genève, bois de construction, mais aussi de chauffage utilisé par de nombreuses manufactures artisanales: tuileries, verreries, ou forges par exemple. Ce trafic local sur le Léman était, dès le XIIIe siècle, loin d'être négligeable, il suffisait à faire vivre bon nombre de bateliers, appelés aussi navatiers, et fit de leur corporation une organisation puissante. Il faut dire que la voie lacustre s'imposait pour toutes les marchandises pondéreuses, car la route entre Evian et Saint-Gingolph était en très mauvais état, puisque parfois même les mules devaient être déchargées pour pouvoir continuer leur chemin; la route sous le Dézaley n'était guère meilleure. Cette situation s'améliora quelque peu dès le XVIIIe siècle. Le "Doyen Bridel" in "Le Conservateur suisse", 1814.

293. Le Léman, voie de communication. 2.

---------------------
2. Aux XVIe et XVIIe siècles, les villes italiennes perdirent de leur influence, au profit des pays maritimes de l'ouest européen, Espagne, Angleterre, France, Pays-Bas. L'axe nord-sud se déplaça à l'ouest du Jura, ne laissant plus sur le lac que le trafic local. C'est alors que des hommes audacieux se lancèrent dans une entreprise qui aurait pu avoir un grand retentissement pour le bassin lémanique: la construction du canal d'Entreroches qui devait relier le lac de Neuchâtel au lac Léman, l'ancêtre de l'hypothétique canal du Rhône au Rhin ! Malheureusement le tronçon de Cossonay au Léman qui aurait nécessité près d'une quarantaine d'écluses avec les moyens de l'époque ne fut jamais terminé. Les douze kilomètres manquants se faisaient par la route. Le canal survécut péniblement de 1638 à 1648, puis son exploitation cessa. Le rêve de rétablir le trafic international que la région avait connu s'évanouissait définitivement.
Le "Doyen» Bridel" in "Le Conservateur suisse", 1814.

292. Le Léman, voie de communication. 1.


-----------------
1. La situation géographique du Léman au cœur de l'Europe, au nord ouest de deux cols alpins importants, le Grand Saint-Bernard et le Simplon qui connurent leurs heures de gloire à l'époque romaine et au Moyen Age, entre les XIIIe et XVe siècles, fait du bassin lémanique un carrefour important. La voie romaine passant par le bassin lémanique reliait l'Empire à la Gaule par le Saint-Bernard, Martigny, Villeneuve, Vevey et traversait le Jura dans la région de Vallorbe. […] Il fallait donc bien qu'il y eût quelques bateliers pour assurer le transit des hommes et des marchandises par le lac. Toutefois, les désordres politiques qui marquèrent la chute de l'Empire et les grandes invasions mirent provisoirement fin à ce trafic international. Cette voie de commerce reprit de l'importance aux XIIIe et XIVe siècles; elle permettait aux marchands italiens de se rendre aux foires de Champagne, en Bourgogne, en Ile-de-France et même en Flandres. Lorsque les foires de Champagne déclinèrent, ce sont celles de Genève, puis de Lyon qui les attirèrent. Les marchandises lourdes étaient transportées par la voie lacustre, faisant ainsi les affaires des bateliers locaux. La voie terrestre, moins praticable, était réservée aux voyageurs.
Vers la fin du XVe siècle, un nouvel axe de commerce utilise le bassin lémanique, celui qui relie la Méditerranée aux pays du nord de l'Europe, par la vallée du Rhône, le bassin lémanique et le plateau suisse. Le Léman était donc à cette époque au carrefour des deux axes commerciaux importants pour l'Europe, l'axe sud-est-nord-ouest et l'axe sud -nord.
Le "Doyen Bridel" in "Le Conservateur suisse", 1814.

291. A mes lecteurs.

-------------------------



Avec ce message, je débute la publication d’une première série de neuf textes traitant de quelques aspects géographiques et historiques du Léman. Ils sont extraits de deux ouvrages :
* « Le Léman, voie de communication », publié par le Doyen Bridel dans « Le Conservateur Suisse » en 1814 : n° 292 à 295.* « Le Léman, un sublime ressassement … ». à partir de la préface de l’ouvrage d’André Depraz, « Des bateaux et des hommes » publié aux éditions Cabedita en 1994 : n°296 à 300.
Source : Médiathèque « Charles Ramuz », Palais Lumière à Evian.
---------------------------



Ci-contre, le dôme du Palais Lumière.
--------------------------http://www.mediathequeramuz.net/mediathequeramuz.net/

290. Jean-Pierre Larpin. L'eau d'Evian. 2.

-------------------------
2. Au moment du pousse-café on remarque une ligne verte en face, dans le creux de Saint-Sulpice. Pas possible, le morget à ces heures ? La ligne s'épaissit rapidement vers l'est, elle épaissit et avance en même temps. C'est la bise qui arrive, suivie du troupeau de moutons blancs. Aux postes d'appareillage ! Déjà nous sommes hors du port, hissons la voile avec deux ris, capelons les cirés et enfilons les bottes. Ça barde immédiatement, les vagues cognent sans répit. Une légère abattée et nous mettons le cap sur Préverenges au petit largue, il est inutile de casser du bois à la première bordée un peu sérieuse. Une heure plus tard nous voici à la côte suisse, en eau plate mais avec de fortes rafales. Le bateau s'en donne à cœur joie, et le barreur et l'équipage. Le soleil décline sur le Jura, le Léman prend le bleu foncé des soirs de bise. Nous arrivons devant Ouchy, mais il n'est pas question de rentrer au port sur une pareille lancée. A la barre, Maurice joue avec les grains et gagne à tous les coups. D'un seul bord nous filons jusqu'au Dézaley, anticipant sur le prochain challenge du Cercle de la voile. Les volets rouge et blanc des abbayes de la Ville nous rappellent la capitale et indiquent le moment venu de virer de bord. C'est alors la rentrée, grand largue sur Ouchy et nous prenons la bouée à l'instant où le soleil disparaît derrière le Jura.
L'équipage est fourbu, mais heureux. Pour une première sortie, c'est dans le mille. On s'en va «sur les bords de la Riviera» repasser les images de la journée. Il en restera une surtout, que nous emprunterons d'ailleurs à Guy de Pourtalès: «Quelqu'un demandera : "Et l’eau d’Evian ?" A quoi nous répondrons en grands seigneurs : "Elle servit ce jour-là à rincer la vaisselle".

289. Jean-Pierre Larpin. L'eau d'Evian. 1.

------------------------
1. Avril avait bien commencé. Les fleurs sortaient de partout, à Ouchy les terrasses étaient pleines, la circulation avait repris de plus belle. Le bateau était fin prêt, coque ripolinée, vernis étincelant. De l'autre côté du lac, la neige fondait à vue d'œil, c'était le moment de faire la première traversée. On ne pouvait plus attendre. Un beau matin ce fut le branle-bas à bord de « Néfertiti ». A dix heures départ par calme plat, moteur à demi-régime, cap sur Tourronde. Maurice tient la barre, Claude ajuste le petit chapeau bleu, la chaloupe glisse vers la Savoie embrumée. Bientôt on distingue les détails de la côte blanche de cerisiers: la Grande-Rive, Torrent, Lugrin, sa grande église. Le port de Tourronde est enfin visible, avec sa digue minuscule, […]. Le lac est bas, il y ajuste le fond et la place pour s'amarrer près de la passe d'entrée. C'est le moment de déboucher le Crêt-Dessous et d'ouvrir «officiellement» la saison, le verre à la main, sans protocole et en toute amitié. Le père Joseph, constructeur naval en retraite, nous accueille dans son chantier qui sent les copeaux et la vieille marine. Et l'on refait la France, à défaut du monde. Ma foi, elle ne va pas si mal que ça, notre chère voisine: les bistrots sont ouverts, le boucher nous sert le steak avec amabilité et l'épicière nous serre la main avec cordialité: alors vous voilà revenus, que désirez-vous, Messieurs ? Puis c'est le pique-nique sur la jetée, tout attirail déployé. Le lac a repris l'aspect si cher à Bocion, le soleil fait sentir sa présence et le Dézaley encore brun n'en perd pas un rayon.

288. Jean-Pierre Larpin : La pierre de Meillerie. 3.

--------------------
3. Meillerie est dans toute sa gloire aux petites heures. Elle s'allume dès que le soleil passe par-dessus les Alpes vaudoises. Le moment est venu de monter sur la terrasse de l'église au-dessus du village endormi.
On n'entend que le bruit du ruisseau dans le canal de pierre taillée. Lorsque la porte du sanctuaire n'est pas fermée à clef, vous entrez dans l'une des plus belles églises de la côte de Savoie et vous admirez les vitraux illuminés à cette heure, puisqu'ils sont au levant.
Puis vous prenez la route des Etalins, immense carrière remise en activité il y a quelques années. Observant le paysage à trois cents mètres du Haut-Lac, vous convenez que cette région a du cachet et du caractère, surtout si vous êtes de La Côte ! Mais il est temps d'appareiller et de songer aux commentaires à l'intention des amis qui ne connaissent pas l'endroit découvert déjà par Jean-Jacques Rousseau. Vous tirez alors la conclusion : les absents seront mis en tort et les sceptiques changés en pierre.

287. Jean-Pierre Larpin : La pierre de Meillerie. 2.

----------------------
2. Mais les perles rares se découvrent au printemps. Vous atteignez donc Meillerie dès avril, à la voile ou à moteur. Du large on entend les ruisseaux dévaler de Mémise, grossis par la fonte de la neige. Les bois sont encore bruns, le port encore désert. L'entrée occidentale du port, l'ancienne sortie naturelle des barques, a été bouchée pour diminuer le clapot. Il s'agit de permettre aux caravanes flottantes d'aujourd'hui de passer la nuit aussi tranquillement que dans un parc à voitures. Ainsi gagne-t-on en confort ce que l'on perd en nautisme. L'époque a ses raisons que la navigation ne connaît pas. […]. Quelques photos des barques et du port sont quand même visibles chez l'ancien maire, chez les tantes Irène et Eugénie, tenancières du Café du Centre, et dans les hôtels de la Terrasse et de la Croizette, à chaque extrémité du village. Sur la jetée, le coucher du soleil est splendide. Vous portez le regard du Jura aux Rochers de Naye en trinquant le coup de blanc. Au village l'accueil est aimable et tranquille. Le chat noir dort sur la table du bistrot, le grand-père revenu de Lyon raconte ses souvenirs, Madame Eugénie a refait ses frisons. Vingt dieux! Que l'hiver était long chez nous aussi, vous savez. Les primevères garnissent le talus du port, les pêcheurs parent les grands filets, on va du bon côté, comme on dit en face.

286. Jean-Pierre Larpin : La pierre de Meillerie. 1.

--------------------------
1. Quand vous faites le tour du Haut-Lac, le bateau vous emmène tout d'abord à Evian, ville d'eau verte et riante. Puis il longe la côte de Savoie, Grande-Rive, Petite-Rive, Torrent, Tourronde défilent sous vos yeux qui admirent les cerisiers en fleurs, les châtaigniers touffus et séculaires, repèrent les hameaux cachés, Véron, Vieille-Eglise, Les Combes, Troubois et Chez-Busset. Vous doutez un instant de ces récits de carrières sauvages, de ruisseaux en cascade, de forêts impénétrables, à propos de Meillerie. Vous n'en doutez pas longtemps. Brusquement le décor devient sombre, le vert clair vire au noir, la montagne vous écrase, plongeant dans l'eau profonde. Seuls quelques rochers émergent des taillis, perchoirs de hérons cendrés magnifiques et circonspects. Soudain une échancrure, une église, des maisons grises et un débarcadère. Vous êtes à Meillerie. Le bateau à vapeur n'accoste qu'en juillet et en août car cette escale n'intéresse presque personne […] Seuls les capitaines saluent Monsieur le curé d'un coup de sifflet en agitant la casquette, comme ils le font symétriquement en passant devant le Dézaley de la Ville. Ainsi passent les messages entre la vigne et le Seigneur et ainsi demeure l'esprit lémanique.