3.09.2007

48. Alphonse Guillot : "Vers les montagnes".

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La Dent d'Oche
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Avant le départ, nous tenterons l'excursion de la Dent d'Oche, dont la masse s'impose aux yeux le jour et la nuit, que les pentes couvertes de prairies et de forêts invitent à par- courir ; cette montagne est de celles qui se laissent conquérir, mais non sans émotions. Nous ferons l'excursion en deux jours: le premier, nous irons par le raccourci de Saint-Paul jusqu'à Bernex, où nous dormirons plus près des cieux. Lord Byron a écrit : "A la montagne, l'isolement et le soir communiquent une sorte d'extase, l'air vif qu'on « respire donne aux lèvres une âpre caresse. Les étoiles sont plus amicales, le silence qui accompagne comme un orchestre lointain la voix profonde du vent, prend une importance solennelle, presque religieuse".
En gravissant le chemin de traverse de Saint-Paul, d'autres aspects de la montagne s'offriront à nos regards, et vous serez surpris du nombre de fermes, petits villages, maisons de plaisance, cachés par les lignes d'arbres, et les boqueteaux. [...] Sur les pentes, apparaîtront de nombreux chemins et sentiers insoupçonnés, vaste réseau de moyens de communication qui s'est formé au cours des siècles, par le labeur, les intérêts et l'amour.
Le premier sentier n'a-t-il pas dû être créé par la femme qui anxieuse, attendait le retour de l'époux parti à la chasse au à la pêche ; combien d'autres sentiers furent créés depuis par les filles d'Eve, dont le coeur est toujours pétri de la même matière, et de la même sensibilité.
La lente vie de la forêt apparaîtra dans ses divers aspects taillis ou futaies, depuis le jeune épicéa né d'une graine que la mousse humide a abritée, jusqu'au sapin altier qui paraît vouloir gagner le ciel. (Conclusion de la plaquette d' Alphonse Guillot, opus cité page 85)

47. Anna de Noailles : "Quatre portraits"

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46. Invocation au lac.

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O lac ! centre, refuge et repos de milliers d'yeux fatigués et usés par le labeur, où la douleur, beaucoup sont venus chercher près de toi la quiétude, le repos et l'oubli, beaucoup ont voulu y vivre leurs derniers jours, et y dormir le sommeil éternel sur lequel tu sembles à certaines heures épandre les voiles et les pavots de la paix et de la sérénité.
O lac ! par toi, des âmes meurtries furent moins plongées dans la douleur, et par tes splendeurs vécurent plus proches de la vraie beauté et du maître de l'heure.
O lac ! en ta grâce toujours jeune et sans cesse renaissante, le disciple de la nature trouve tout ce qui flatte et fait vibrer, la couleur et l'espace, tout ce qu'on aime, toute la jeunesse et l'esprit, tous les désirs de vie à réaliser, de situation à acquérir, de foyer à fonder, de repos à gagner, de poursuite d'idéal, tous les soupirs, tous les serments, tout ce qui est le rêve et l'action, tout ce qui constitue l'amour et la vie.

45. Invocation au lac.

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O lac ! miroir des yeux enamourés qui se penchèrent sur tes eaux, de combien de serments d'amour as-tu été le témoin et le confident, combien de baisers furent pris et rendus sous les
ombrages de tes rives, combien de vies d'amour heureuses et longues furent vécues sur tes bords, en dehors de celles transmises par les annales des hommes.
O lac ! par toi, des lettres jaillies de l'âme furent plus aimantes et plus tendres, donnèrent davantage de bonheur, et souvent, après lecture, déposées sur tes flots devenus ainsi les gardiens du secret confié à un feuillet, que l'amante rêveuse croit encore reconnaître dans la mouette blanche qui se pose et se laisse bercer sur tes vagues.
O lac ! sur tes rives, des soupirs sont montés sans avoir été toujours entendus, des bras se sont ouverts sans se refermer sur un autre être. Symbole vivant de toutes les beautés révélées ou désirées par l'âme, des pleurs ont coulé qui n'ont pas été toujours étanchés, et sont allés rejoindre tes flots.

44. Invocation au lac.

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Et la brise tourne les feuillets du manuscrit : "Pages vécues", dont je détache cette page : "O lac ! est-il d'autres rives enchantées et fleuries, devant lesquelles l'homme puisse sentir aussi intensément la grandeur de la nature, et se rapprocher davantage de la beauté, et de l'harmonie universelle"; est-il un endroit où le coeur puisse battre plus délicieusement.
O lac ! reflet de la beauté et de l'amour poursuivis, par ta contemplation, de nombreux visages ont rayonné, des pensées d'amour sont nées, ont été transmises. partagées, ont animé d'autres existences, des yeux ont emporté la persistante nostalgie de tes mille aspects.
O lac ! en tes eaux limpides, tu parais renfermer toutes les joies dont tu berças et comblas les espérances de ceux qui s'aimèrent sur tes rives, tous les sentiments qui montèrent de leur coeur et les firent vivre, tout le bonheur des âmes heureuses qui voguèrent à ta surface, tous les rêves des poètes et des peintres qui voulurent te chanter ou te peindre.
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L'auteur du blog serait reconnaissant au lecteur qui pourrait lui indiquer l'auteur de ce texte.

43. Impressions de voyage.

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Il semble qu'en s'éloignant du rivage, on soit entré dans un nouveau monde où tout ce qui alourdissait la vie n'existe plus, que les soucis, la médisance, la jalousie, les rivalités ont fait place aux beaux espoirs, à la générosité, que la sympathie, l'amitié, l'affection, l'amour dans toute la plénitude de ces mots règnent enfin sur la terre, entre tous les humains, enclins aux mêmes soucis et inquiétudes, exposés aux mêmes défaillances et aux mêmes souffrances du corps et de l'âme.
Il semble que désormais l'homme ne sera plus un loup pour l'homme, toujours à mordre, dénigrer, critiquer, abuser, ne tenant aucun compte de l'ordre, la sagesse, du travail, du mérite, des sentiments ni de l'honneur, et que l'on pourra enfin vivre sa vie, de toutes ses forces, et de tout son coeur.
Le navire continue sa route dans le rythme des bielles puissantes et une parfaite sécurité ; on ne se sent plus vivre, tellement on est absorbé par le spectacle qui se déroule, et la douceur de l'heure. Et la brise tourne les feuillets du manuscrit : Pages vécues, dont je détache cette page ....

42. Impressions de voyage.

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Le beau navire fend l'eau, glisse sur l'onde, s'éloigne du port et de la ville, les au-revoir et les adieux faits de la main ont cessé. Large, spacieux, la salle à manger fleurie donnant une impression agréable de confort, le bateau avance sur les flots bleus dans des ruissellements de gemmes liquides. Les embarcadères, les terrasses fleuries, les escaliers de pierre blanche des belles propriétés qui bordent la rive, l'allégresse, les expressions et les gestes d'admiration d'un groupe de jeunes pensionnaires sous la conduite d'une institutrice, la pureté de l'air qui a un goût de miel, l'éclat des rayons du soleil qui jette sa lumière vive sur la campagne, le vol des mouettes qui suivent le navire et jouent dans la mâture, les sons de l'orchestre à bord, harpe, violoncelle et violons qui se joignent au bruit de l'eau agitée, tout détermine une sorte de vie de rêve, d'extase, de départ pour une terre promise.
Et on se demande si l'on n'est pas l'objet d'un mirage ou d'un songe, si la terre connue jusqu'à ce jour, peut offrir un spectacle aussi ravissant ; c'est la merveilleuse fête de la terre, du soleil, des flots, de l'espace, de la lumière et des fleurs, qui rend les coeurs heureux. (Auteur non connu)