11.05.2008

319. Marcel Proust à Evian

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Le 25 août 1899, Marcel Proust rejoint ses parents, le Docteur et Madame Adrien Proust, qui séjournent au Splendide et Grand Hôtel des Bains. Le Docteur, inspecteur général des Services Sanitaires, s'intéresse au thermalisme, son épouse soigne son embonpoint en allant, chaque matin, boire trois verres d'eau. Son fils hésite entre l'annexe du Beaurivage, l'Hôtel d'Amphion, « la minceur des murs n'arrêtera pas le bruit» et le Splendide, dont les travaux d'embellissement n'ont pas treize mois et où il trouve les « qualités de solitude et de silence ».
Il a vingt-huit ans, fume exagérément, a des crises d'asthme depuis dix-huit ans. Il travaille son premier roman, « Jean Santeuil », reste seul à l'hôtel, le 9 septembre, après le départ de ses parents, fréquente le prince Antoine Bibesco, le prince Constantin de Brancovan et sa sœur, future Anna de Noailles, dans leur villa Bassaraba, Monsieur et Madame Bartholoni dans leur maison de Coudrée, l'écrivain Henri Bordeaux, le pianiste Léon Delafosse, le comte Clément de Maugny, assiste au mariage, le 18 septembre, de la sœur du baron Joseph Vitta avec l'explorateur Edouard Foa, à la villa La Sapinière, où Auguste Rodin achève dans le hall d'entrée L'été et l'hiver, fait le tour du lac, visite le château de Coppet, sur la rive suisse entre Genève et Nyons, où Madame de Staël a vécu.
Il quitte Evian le 8 octobre, écrit vingt et une lettres durant ces six semaines. En septembre 1900, sur la route de Venise, il s'arrête quelques jours au Splendide, avant sa fermeture annuelle. En 1902, il projette de retourner à Evian, «dans son grand désir de revoir le beau lac», mais il n'arrivera pas à quitter Paris. Dans sa correspondance de 1899, il relate quelques faits de sa vie évianaise, notamment son émotion pour la nouvelle condamnation par un conseil de guerre, à Rennes, de l'officier Dreyfus. Il en restera blessé durant tout son séjour.

Marcel Proust est né à Paris le 10 juillet 1871. Son père est professeur agrégé de médecine, et sa mère est la fille d'un riche agent de change. Marcel Proust est un enfant chétif, sensible et il souffre des bronches. Il adore sa mère et dès son jeune âge se montre très sociable. En 1881, il entre au lycée Condorcet, où malgré sa santé fragile, il obtient de brillants résultats. Il obtient son bac en 1889 et effectue son service militaire à Orléans. Il poursuit ensuite ses études à la faculté de droit et à l'Ecole libre des Sciences Politiques. Il commence à fréquenter les salons littéraires.
En 1894, il passe ses vacances à Trouville et à Cabourg, région que l'on retrouvera dans la Recherche du Temps Perdu. En 1895, il se passionne pour l'affaire Dreyfus. C'est cette année-là qu'il commence son roman Jean Santeuil, roman sur lequel il travaillera jusqu'en 1899 mais qu'il ne terminera jamais. Il paraîtra inachevé en 1952. Son père meurt en 1903 et sa mère en 1905. Le deuil de sa mère l'affectera pendant plusieurs années. En 1906, Marcel Proust s'installe Boulevard Haussmann, dans un appartement tapissé de liège et hermétiquement clos. Il échappe ainsi du même coup aux tentations d'un monde futile trop aimé et aux graminées tant redoutées.
En 1909, Proust conçoit l'immense projet de faire revivre les jours enfuis dans un ouvrage intitulé A la recherche du temps perdu. Il commence à rédiger la première partie, "
Du Côté de chez Swam". Il travaille la nuit, se repose le jour et reste enfermé chez lui. Quelques extraits paraissent dans le Figaro, mais ce premier volume ne trouve pas d'éditeur. Il est refusé chez Gallimard par André Gide qui se reprochera longtemps ce refus. Finalement Marcel Proust fait paraître "Du Côté de chez Swann"
, à compte d'auteur, chez Grasset en 1913. Il annonce pour l'année suivante la suite : "Du Côté des Guermantes" et le "Temps Retrouvé".
En mai 1914, Marcel Proust vit un drame personnel : la mort accidentelle d'Alfred Agostinelli qui était son ami depuis 1907. Proust l'engage d'abord comme chauffeur et il devient en 1912 son secrétaire. Puis c'est la guerre qui empêche Proust de publier la suite de son oeuvre. En raison de son état de santé, Marcel Proust ne sera pas mobilisé. Il faut attendre 1919, pour que paraisse à la NRF, "A l'ombre des Jeunes filles en fleurs", qui obtient le prix Goncourt. Les années suivantes il publie successivement "du Coté des Guermantes" ainsi que la première partie de "Sodome et Gomorrhe". En avril 1922 paraît la deuxième partie de Sodome et Gomorrhe.

Marcel Proust meurt d'une pneumonie le 18 novembre 1922. Avant de s'éteindre, il a demandé à Jacques Rivière et à son frère Robert de publier le reste de son œuvre. "La Prisonnière" paraît en 1923, "Albertine disparue" en 1925 et le "Temps retrouvé" en 1927.