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La ronde infernale du temps paraissait hésiter. Les secondes, les minutes épargnaient le bateau en détresse. […] Des trombes d'eau s'abattirent sur le lac, éteignant les éclairs, étouffant le tonnerre, domptant les vagues. La pluie fouettait les visages et les yeux, hérissait la surface de l'eau. L'obscurité s'épaissit plus encore.
Nul ne savait où le vent les poussait. Le batelier cessant de chanter scrutait les flots. On ne voyait pas à plus de cent mètres. Il cria:
- Monsieur, veuillez vous poster à l'avant. On approche de la côte. Matelots parez aux manœuvres.
Le vieillard était parvenu à se mettre debout. Il accompagna Alphonse:
- J'ai fait la pêche autrefois. Je connais les fonds. Mais les yeux me manquent.
Il ajouta en levant un regard fatigué: - Dites-moi donc ce que vous voyez.
Presque aussitôt, Alphonse repéra une ombre sous les marbrures des vagues.
- A droite, un rocher!
- A quelle profondeur? s'écria le vieillard
- Environ trois brasses!
- Quelle forme?
-Allongée!
- Si vous en voyez d'autres, c'est qu'on se dirige vers la Pointe.
- J'en vois d'autres, plus petits, en chapelet.
- C'est la pointe de Messery ! Batelier, vire à gauche, hurla le vieillard de toutes les forces qui lui restaient.
- Matelots, à l'aviron droit, cria le capitaine.