2.21.2008
248. Martine de Rosny-Farge : "Orage sur le Léman". 2/6.
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Les bêlements affolés de la chèvre couvraient le bruit du vent et le chuintement des vagues. L'animal battait vainement des pattes pour ~e redresser. Elle valdinguait d'un bout à l'autre du bateau, yeux exorbités. Stoppée dans sa ronde folle par un ballot de tissu, la pauvre bête parvint à se relever. Elle lança le museau de côté pour chercher du secours, bondit sur des sacs et s'apprêta à sauter dans l'eau. La femme la renvoya d'un coup sec au fond du bateau, l'accrocha à un taquet d'où elle se remit à bêler de plus belle.
L'équipage soucieux écoutait la coque du bateau. Elle faisait entendre des craquements inhabituels. Les vagues se succédaient, de plus en plus creusées. La cochère se déhanchait sous les coups de butoirs. Il fallait au plus vite échapper aux chocs furieux qui ébranlaient son flanc.
- Courage! Souquez! ordonnait le batelier.
Alphonse s'assit à côté du bacouni au vent et tira sur la rame en cadence :
- Ohé ! Oh !
[…] A force de résistance et de persévérance, les hommes reprirent l'initiative sur les éléments déchaînés. La cochère en folie parvint enfin à se redresser. Le capitaine à petits coups de barre, la positionna dos au vent.
Désormais le vent les poussait. La cochère filait sur les vagues en direction de la Savoie. Mais l'orage redoublait de puissance. Les éclairs se succédaient. Le tonnerre claquait sans interruption. Ils formaient sur la surface, une proie pour la foudre.
- Allongez-vous au fond! Ecartez-vous du mât, cria le capitaine.
La tête dans les mains, les passagers ressentaient chaque lueur, chaque éclat comme la dernière seconde qui leur restait à vivre.