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Entourée de vergers, de prairies, de châtaigniers, de noyers énormes et touffus, la route permettait d’entrevoir parmi les splendeurs d’un pays de cocagne, quelques manoirs enfouis dans des corbeilles, certaines échappées sur le lac, et des pics surmontant des dômes de verdure […]. Le bruit de la vie champêtre renaissant aux parfums réveillés de la mousse et des bois, avec les cris des oiseaux, le carillon des génisses et les chansons des pâtres ; tel était l’aspect de cette contrée arcadienne qui m’accueillait, trempée et riante, comme l’enfance au milieu des larmes. Les hôtes éparpillés des fermes vous saluent au passage, figures épanouies, voix cordiales ; les enfants aux yeux étonnés tirent des révérences. L’animation vous environne, la solitude apparaît dans les clairières. Sur les eaux du lac, entrevues à ma gauche, des bateaux à vapeur estompant de leurs fumées l’atmosphère, me rappelaient que le monde n’était pas loin.
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Nous revînmes nous asseoir devant la maison, au bord du lac, sous les orangers, au milieu des résédas, des héliotropes et des roses qui enivraient de leurs parfums le vent apaisé par les rayons de l’occident[…]. Des têtes blondes jouaient autour de nous, l’oreille d’un gros épagneul assis offrait à ma main une contenance ; et comme devant cette baie circulaire ouverte de la pointe d’Yvoire à celle de Ripaille, le lac se prolonge à l’infini, dans les vapeurs du soir, cette laborieuse journée de dix-huit heures dont j’avais vu l’aurore au revers des montagnes, où j’avais essuyé la tempête sur les Alpes, et l’isolement partout, pour moi, finissait en famille, sous un ciel ausonien, au bord de la mer…
Francis Wey (1812-1882)
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Promenade au bord du lac, à Evian