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Comment rendrais-je le ravissement de Rolle ? Il faudra peut-être relire et corriger ce passage, contre mon dessein, de peur de mentir avec artifice, comme J.J. Rousseau….. A Rolle, ce me semble, arrivé de bonne heure, ivre de bonheur de la lecture de la Nouvelle Héloïse et de l’idée d’aller passer à Vevey, prenant peut-être Rolle pour Vevey, j’entendis tout à coup sonner en grande volée la cloche majestueuse d’une église située dans la colline, à un quart de lieue au-dessus de Rolle ou de Nyon. J’y montai. Je voyais ce beau lac s’étendre sous mes yeux, le son de la cloche était une ravissante musique qui accompagnait mes idées et leur donnait une physionomie sublime. Là, ce me semble, a été mon approche la plus voisine du bonheur parfait. Pour un tel moment, il vaut la peine d’avoir vécu. Dans la suite, je parlerai de moments semblables, où le fond pour le bonheur était peut-être plus réel, mais la sensation était-elle aussi vive ? Le transport du bonheur aussi parfait ? Que dire d’un tel moment sans mentir, sans tomber dans le roman ? A Rolle exactement commença le temps heureux de ma vie, ce pouvait être alors le 8 ou le 10 mai 1800. [...] « Enfin, je revois ce beau lac, si vaste, si magnifiquement entouré ! Il donne des idées moins sérieuses, moins sublimes si l’on veut, mais plus tendres que la mer véritable. C’est Rousseau qui a fait la réputation de son lac, et ce grand homme est encore abhorré ou méprisé dans la plupart de ces villes, si jolies, que je vois de loin sur ses bords »