10.06.2007

113. Alexandre Dumas : "Genève, le lac, Nyon"

--------------------------
Genève est, après Naples, une des villes les plus heureusement situées du monde. Paresseusement couchée, comme elle l’est, appuyant sa tête à la base du mont Salève, étendant jusqu’au lac ses pieds que chaque flot vient baiser , sous ce beau ciel, devant ces belles eaux, il semble que ses bras lui sont inutiles, et qu’elle n’a qu’à respirer pour vivre ; et cependant cette odalisque nonchalante, cette sultane paresseuse en apparence, c’est la reine de l’industrie, c’est la commerçante Genève.
Quant au Léman, c’est la mer de Naples, c’est son ciel bleu, ce sont ses eaux bleues, et plus encore ses montagnes sombres qui semblent superposées les unes aux autres, comme les marches d’un escalier du ciel ; puis, derrière tout cela, apparaît le front neigeux du Mont-Blanc.
C’est sur la rive septentrionale que la nature a secoué le plus prodigalement ces fleurs et ces fruits de la terre qu’elle porte dans un coin de sa robe ; ce sont des parcs, des vignes, des moissons, un village de dix huit lieues de long étendu d’un bout à l’autre de la rive ; des châteaux bâtis dans tous les sites, cariés comme la fantaisie et portant sur leurs front sculptés la date de leur naissance …
A Nyon, des constructions romaines élevées par César ; à Vufflens, un manoir gothique, élevé par Berthe, la reine fileuse ; à Morges, des villas en terrasses qu’on croirait transportées, toutes construites, de Sorrente ou de Baïes ; puis, au fond, Lausanne, avec ses clochers élevés ; Lausanne, dont les maisons blanches semblent de loin une troupe de cygnes qui sèchent au soleil, et qui a placé au bord du lac la petite ville d’Ouchy, sentinelle chargée de faire signe aux voyageurs de ne point passer sans rendre hommage à la reine vaudoise. (Alexandre DUMAS)