11.23.2007

172. Jean René Clocher : "Une Nation Savoie".

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UNE NATION SAVOIE
Extrait de l'histoire populaire de la Savoie (1978 - Editions Gaillard à Yenne) par Joseph René Clocher, page 218 à 220

1/3. Celui qui visite la Savoie les jours d'inauguration, de fêtes ou de manifestations officielles est frappé par un air martial que les fanfares jouent après « La Marseillaise ». C'est l'hymne des Allobroges, celui qu'on pourrait appeler le chant national savoyard.

« Les Allobroges » portait primitivement le titre « La Liberté ». Personne ne sait exactement qui est l'auteur de la musique. Ce qui est certain c'est que cet air est connu par les soldats de l'armée sarde durant les durs combats de la guerre de Crimée contre les troupes russes. En 1856, après la guerre, la Brigade de Savoie est de retour sur notre sol et, à Chambéry, place Saint-Léger, on donne des concerts militaires. L'air ramené de Crimée y obtient un grand succès. C'est alors que les amis de Dessaix demandent à ce dernier de composer les paroles d'un hymne sur cet air si apprécié. Dessaix, d'origine savoyarde, est un médecin qui s'est engagé tout jeune dans la « Légion des Allobroges ». Par la suite, il fera partie des dix- huit généraux de l'Empire nés en Savoie. On le nomme comte en 1809 et en 1814 on le désigne pour défendre la Savoie contre les troupes autrichiennes.

Dessaix compose le texte durant l'année 1856 et l'hymne patriotique est interprété à Chambéry le 11 mai à l'occasion d'une fête commémorant le « Statut» par lequel Charles Albert avait octroyé un parlement élu aux citoyens. Le succès de cet hymne à la liberté est immédiat. En même temps qu'un engagement des peuples à se soulever contre les oppresseurs de l'époque c'est un hommage rendu à l'hospitalité de la terre natale qui accueille les proscrits. Voici les paroles originales de cet hymne dont il existe même des versions en patois.

171. Paul et Adolphe Joanne : "Lamartine".


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Tout à coup j'entendis à très peu de distance du cap les voix sonores et confuses de quelques hommes, auxquels le danger donnait l'accent grave de l'émotion contenue puis le bruit sec d'une rame ou d'un gouvernail qui se rompt et dont on jette le manche sur les planches sonores d'une embarcation en détresse. La poudre des lames nous dérobait tout, excepté les voix
Mais, au même instant, un immense éclair qui sembla entrouvrir le ciel devant nous sur la Dent de Jaman perça la brume et vint se répercuter sur l'écoute blanche d'un petit yacht qui cinglait à travers ces montagnes d'écume, la proue sur Genève, comme un goéland, une aile dans la lame, l'autre dans le nuage. Un beau jeune homme, d'une figure étrangère et d'un costume un peu bizarre, éiai t assis sur le banc du yacht. Il tenait d'une main la corde de la voile d'écoute, de l’autre le manche du gouvernail. Quatre rameurs, ruisselants d'écume, étaient courbés sur les rames.
Le jeune homme, quoique pâle et les cheveux fouettés par le vent, semblait plus attentif à la majesté de la scène qu'au danger de sa barque. L'éclair prolongé qui me l'avait montré le déroba à ma vue en s'éteignant. Nous n'entendîmes que le bouillonnement frémissant du sillage qui creusait les lames avec la rapidité du vent. Quelques secondes après, tout avait disparu, et la moitié d'une rame brisée vint s'échouer et clapoter à quelques pas de nous sur la grève.
- "Qui donc ose affronter le lac et le ciel dans une telle tourmente ?" m'écriai-je tout haut, sans songer aux paysans qui se collaient au rocher à côté de moi.
- "Je le sais bien, moi, dit alors le mendiant qui n'avait pas encore pris la parole; c'est un lord anglais qui fait des livres et dont les anglais, résidant ou passant à Genève, vont visiter la maison de campagne près de la ville, sans jamais y entrer. On en parle en bien et en mal dans son pays comme de tout le monde. Quant à moi, je n'ai que du bien à en dire, car il me jette une pièce blanche et quelquefois même une pièce jaune toutes les fois qu'il me rencontre sous les pieds de son cheval".
-"Savez-vous son nom ?" dis-je au mendiant.
-"Je ne le sais pas bien, reprit-il; nous autres, nous ne savons jamais comment se nomment les étrangers qui viennent dépenser 1eur temps et leur argent à Genève; nous savons seulement s'ils sont de bon ou de mauvais cœur pour les pauvres: les bons ont toujours la main ouverte, les mauvais toujours la main fermée. Celui-là est bon, je vous le garantis, et je serais bien fâché qu'il lui arrivât malheur dans cette bourrasque".
Puis le mendiant essaya d'articuler un nom anglais inintelligible, mais qui ressemblait à un nom historique français Je lus quelques jours après dans le Journal de Genève que c'était un jeune et grand poète du nom de Byron qui avait couru un grand danger pendant cette soirée de tempête.

170. Paul et Adolphe Joanne : "Meillerie, Lord Byron".

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Meillerie, petit village de pêcheurs, n'était autrefois facilement accessible que par eau, car les rochers, qui portent son nom, et qu’ont rendus si célèbres J.-J. Rousseau et. Byron, descendaient à pic, semblables à d'énormes tours, jusque dans les eaux du lac, profond en cet endroit de plus de 252 mètres. « Une file de rochers stériles borde la côte et environne mon habitation, écrivait Saint-Preux à Julie. J'y ai trouvé, dans un abri solitaire, une petite esplanade d'où l'on découvre en plein la ville heureuse où vous habitez ... Vous connaissez l’antique usage du château de Leucate, dernier refuge de tant d'amants malheureux. Ce lieu-ci lui ressemble à bien des égards. La roche est escarpée, l'eau est profonde, et je suis au désespoir ».
En 1816, Lord Byron, se promenant en bateau sur le lac avec le poète Shelley, fut assailli par une tempête si violente, que, se débarrassant de ses habits, il se préparait à gagner le rivage à la nage, lorsqu'un coup de vent jeta le bateau contre les rochers de Meillerie.
Dans le dixième entretien de son cours de littérature, M. de Lamartine raconte ainsi cet épisode de la vie de Lord Byron : Il ne m'est jamais arrivé de rencontrer personne sur ces grèves désertes … Je ne m'entretenais qu'avec les flots et les brises du lac, qui n'avaient à me dire que ce que leur disaient les vagues et les mélancolies de la nature, moins vagues et moins mélancoliques que mon cœur où ils résonnaient.
Un soir, je fus surpris par un grand orage mêlé de tonnerre et de vent. Il éclata tout à coup sur les hauteurs de Thonon et d'Evian; il souleva en quelques minutes sur le lac des lames plus courtes, mais aussi creuses et aussi écumantes que celles de l'Océan. Je cherchai un abri contre les premières ondées de pluie sous un petit rocher qui s·avançait en demi-voûte le long du rivage; deux petits bergers du pays et un vieux mendiant de Genève, qui regagnait la ville, sa besace pleine de châtaignes et de morceaux de pain, s'y étaient abrités avant moi. Ils se rangèrent pour me faire un peu de place. Nous nous assîmes sur nos talons pour attendre la fin de l'orage. La mince voûte de rocher tremblait· au coup du tonnerre, et les lames, pulvérisées en brouillard par le vent, montaient jusqu'à nous et nous mouillaient de leur écume presque autant que la pluie. (suite 171)

169. Paul et Adolphe Joanne : "Amphion".


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169, 170, 171 : trois extraits de l'ouvrage ancien de Paul et Adolphe JOANNE, et E.B de REYLE consacré à la rive française du Léman.Un fac-similé de cet ouvrage peut être consulté à la médiathèque Charles RAMUZ à Evian
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Amphion possède des eaux ferrugineuses froides, qui eurent autrefois une grande vogue. La source sort de terre au bord du lac, sous un hangar, près d'un petit bâtiment, entouré d'un portique et d'une terrasse. Le Casino attire maintenant chaque année à Amphion un certain nombre de joueurs. Des omnibus font un service régulier entre Amphion et Evian. La route côtoie le lac.
Evian […] chef-lieu de mandement, est une ville de 2000 habitants
De la plage d'Evian et de la gracieuse colline de Saint-Paul qui la domine, on aperçoit la rive suisse sur une étendue de plus de 12 lieues ; à gauche le Jura dans le lointain; à droite les Alpes vaudoises, et en face, au-delà du Léman, la chaîne entière du Jorat, couverte de villes, de villages et de maisons de campagne.
Les eaux d'Evian ne sont utilisées que depuis la fin du siècle dernier. Cependant, de l'avis des médecins les plus compétents, il est des circonstances où elles ne pourraient que difficilement être remplacées par d'autres. Elles sont surtout employées en boisson, et efficaces dans le traitement des affections catarrhales de la vessie et des reins. On s'en sert aussi avec succès contre certaines gastralgies. La source Bonnevie, qui jaillit dans un assez bel établissement situé au centre de la ville, alimente les bains et deux buvettes; elle est froide : sa température atteint à peine 12° centigrades. Sa limpidité et sa transparence la font ressembler à l'eau de roche. Elle n'a ni odeur ni saveur. Sans le secours de la chimie et le témoignage de l'observation chimique, il serait impossible de soupçonner que c'est une eau minérale.
A Neuvecelle, village situé à 10 min. d'Evian, on va visiter un châtaignier gigantesque dont le vaste tronc creux pourrait contenir plusieurs personnes, et dont les branches couvrent une vaste étendue de terrain. L'entrée de la prairie dans laquelle il se trouve coûte de 10 à 15 centimes.
D'Evian on peut faire en 4 ou 6 heures l'ascension de la Dent d'Oche, haute de 2434 mètres, par Saint-Paul, la Plagne, Bernex, Trossier et Chermet. A Larringe, on voit le Mont-Blanc. De Larringe on peut gagner directement la Vernaz par pont sur la Dranse.