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Élisée Reclus naît, le 15 mars 1830. Il prend une part active à la Commune de Paris en 1871. Arrêté les armes à la main, il est condamné à la déportation en Nouvelle- Calédonie. Mais, grâce au soutien de la communauté scientifique, sa peine est commuée en dix ans de bannissement. Il rejoint alors son frère Élie en Suisse et participe activement à la Fédération Jurassienne. Après la Suisse, c'est à Bruxelles qu'Élisée s'installe. Très actif, il contribue à la fondation de la première université laïque de Belgique. Auteur prolifique, Élisée Reclus participe à de nombreux journaux. Mais il est surtout l'auteur de l'extraordinaire "Géographie Universelle", et de "L'Homme et la Terre", ouvrages de géopolitique dans lesquels il analyse le rapport de l'homme et de son environnement. Élisée Reclus meurt le 4 juillet 1905.
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Les riches visiteurs étrangers, Anglais, Russes, Américains, Français, ont fait la prospérité des villes d’hôtels, Montreux, Clarens, Vevey qui formeront bientôt une cité continue sur la rive septentrionale du Léman, en face de la bouche du Rhône valaisan […] La splendeur du lac et du cercle de montagnes qui s’y reflète, la dent de Morcles flamboyante aux rayons du soleil couchant, un climat plus doux que celui des pays voisins ont fait de ce coin abrité de la Suisse un des lieux les plus aimés des voyageurs, un de ceux où ils s’arrêtent le plus longtemps : par leur population cosmopolite, Montreux et Vevey sont devenus la propriété du genre humain. Elisée Reclus (1830-1905)
10.07.2007
149. Anna de Noailles : "Trois extraits en prose".
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1. Ce mois de cristal est le plus beau qui soit, au bord du lac Léman. L’été finissant traîne ses caresses ensoleillées sur les praires encore en fleurs, qui soupirent de satisfaction. Les rayons plus vifs du matin amollissent l’onde en sa profondeur, jusqu’à tenir immobile et presque oppressée la vive et preste truite. Les oiseaux, pris de vertige, tournoient sans discernement, dans une confusion bleuâtre, se trompent d’élément, pénètrent les vagues, d’où ils rejaillissent, si bien qu’on croit voir une hirondelle qui nage, ou une ablette. (Histoire de ma vie, p. 91)
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2. Petite fille, j’ai goûté des moments de paradis à Amphion, dans l’allée des platanes étendant sur le lac une voûte de vertes feuilles ; dans l’allée des rosiers, où chaque arbuste, arrondi et gonflé de roses, laissait choir ses pétales lassés sur une bordure de sombres héliotropes ; je respirais avec prédilection le parfum de vanille qu’exhalaient ces fleurs exiguës, grésillant et se réduisant au soleil, commun charbon violet. (Le livre de ma vie, p. 91.)
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3. Je revois la véranda du vieux chalet d’Amphion qui tressaillait le soir aux cris élégiaques des hirondelles, dont le vol, en sombres et légers coups de couteau poignardait un azur poudré de rose, flamboyant et puis voilé, sur lequel se détachait la danse silencieuse, aux angles aigus, des chauves-souris. (Ibid., p. 135.)
1. Ce mois de cristal est le plus beau qui soit, au bord du lac Léman. L’été finissant traîne ses caresses ensoleillées sur les praires encore en fleurs, qui soupirent de satisfaction. Les rayons plus vifs du matin amollissent l’onde en sa profondeur, jusqu’à tenir immobile et presque oppressée la vive et preste truite. Les oiseaux, pris de vertige, tournoient sans discernement, dans une confusion bleuâtre, se trompent d’élément, pénètrent les vagues, d’où ils rejaillissent, si bien qu’on croit voir une hirondelle qui nage, ou une ablette. (Histoire de ma vie, p. 91)
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2. Petite fille, j’ai goûté des moments de paradis à Amphion, dans l’allée des platanes étendant sur le lac une voûte de vertes feuilles ; dans l’allée des rosiers, où chaque arbuste, arrondi et gonflé de roses, laissait choir ses pétales lassés sur une bordure de sombres héliotropes ; je respirais avec prédilection le parfum de vanille qu’exhalaient ces fleurs exiguës, grésillant et se réduisant au soleil, commun charbon violet. (Le livre de ma vie, p. 91.)
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3. Je revois la véranda du vieux chalet d’Amphion qui tressaillait le soir aux cris élégiaques des hirondelles, dont le vol, en sombres et légers coups de couteau poignardait un azur poudré de rose, flamboyant et puis voilé, sur lequel se détachait la danse silencieuse, aux angles aigus, des chauves-souris. (Ibid., p. 135.)
148. Charles Ferdinand Ramuz : "Journal".
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Nous autres, nous avons le lac. Il est vaste, il a l’air d’une perle au fond de sa coquille. Les montagnes et les collines qui le bordent s’élèvent de toute part, avec fougue ou avec mollesse et, sans jamais l’enserrer étroitement, le retiennent néanmoins prisonnier. Mais sa captivité est trop ancienne pour qu’il se souvienne encore du temps où il errait sous la figure du glacier ; maintenant, il ne conçoit rien d’autre que son immobilité, il joue entre ses rives définitives ; il est heureux dans son cachot. La troupe de ses vagues lui donne l’illusion du changement ; il modèle à son image les vagues qui se penchent sur lui ; il se sent si bien de vivre que sa vie débordante se mêle autour de lui à la vie des hommes. Nous qui habitons sur les rives du lac, nous savons qu’il est cause de beaucoup de nos joies. (Journal, mars 1902)
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Voir aussi messages 34, 35, 36, 37
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Nous autres, nous avons le lac. Il est vaste, il a l’air d’une perle au fond de sa coquille. Les montagnes et les collines qui le bordent s’élèvent de toute part, avec fougue ou avec mollesse et, sans jamais l’enserrer étroitement, le retiennent néanmoins prisonnier. Mais sa captivité est trop ancienne pour qu’il se souvienne encore du temps où il errait sous la figure du glacier ; maintenant, il ne conçoit rien d’autre que son immobilité, il joue entre ses rives définitives ; il est heureux dans son cachot. La troupe de ses vagues lui donne l’illusion du changement ; il modèle à son image les vagues qui se penchent sur lui ; il se sent si bien de vivre que sa vie débordante se mêle autour de lui à la vie des hommes. Nous qui habitons sur les rives du lac, nous savons qu’il est cause de beaucoup de nos joies. (Journal, mars 1902)
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Voir aussi messages 34, 35, 36, 37
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147. Charles François Landry : "Vaud et Valais".
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Charles-François Landry (1909-1973) écrivain suisse né à Lausanne vit d'abord dans le sud de la France avant de s'établir sur les rives du Léman. Enfant battu, il se réfugie dans la nature et la solitude. Dès le collège il marque un goût prononcé pour l'écriture. C'est à vingt ans qu'il publie son premier recueil de poèmes Imagerie. Charles-François Landry se fixe définitivement en Suisse et réussit à vivre tant bien que mal de sa plume. Il dépeint les paysages et les mœurs de la Provence ou de la campagne vaudoise avec talent. Landry met en scène des gens simples aux prises avec les difficultés de la vie. La beauté du monde et des êtres le fascinent, ses œuvres sont imprégnées d'une poésie prenante et familière.
Charles-François Landry regagne la Provence vers la fin de sa vie mais c'est à Rivaz qu'il décède le 23 février 1973. (adapté de l'encyclopédie Wikipédia)
Vous le découvrez à l’aube, frais comme un enfant, souple comme une fleur ; il est alors couleur de glycine, pulpeux, enchanteur. Là-bas, sur l’autre rive distante de quatorze kilomètres, des villes et des villages sont comme des cailloux lavés par la rivière et nacrés […]. A peine si, de très haut dans le coteau vertigineux, vous liriez une ride sur le miroir ancien du Léman ; il se présenterait à vous presque noir à la rive, puis ensuite tout parcouru par des millions d’éclats de rire, avec des taches sombres qui sont, sans que rien n’explique le mystère, des endroits de calme absolu […].
Deux heures passent. Quelle est cette rumeur ? C’est un coup de vaudaire, vent sauvage venu du Valais, qui soulève en vagues de deux mètres une eau féroce, rugissante, jetant et reprenant ses volutes qui roulent, semble-t-il, des cristaux de Venise se brisant à bruit de galets, crachant une écume jaune, toute mêlée d’épaves moulues, bois noircis d’eau, et quelquefois rejetant au sable les oiseaux d’eau, si élégants, tués par le désastre […]. Peut-être faudrait-il dire que le Léman est fait de trois lacs […]. Là-bas, vers Genève, ils ont cette mare plus que propre, une mare désinfectée, mais une mare cependant, et qu’ils appellent Petit Lac […]. Ce n’est pas sérieux, malgré les arbres séculaires, dans des propriétés encore plus anciennes ; les rives sont basses et trop civilisées […]. Ce morceau du lac Léman est donc aussi naturel que des fleurs artificielles. Ensuite vient un lac dont il faudrait bien de la ruse pour cerner le doux climat, car cette nappe immense est à la fois le lac Léman de Mme de Noailles qui le voyait d’Amphion et le vieux lac de Lausanne qui fut une ville de pêcheurs romains […].
Et puis passé Lausanne, il y a un troisième lac. Un lac incroyable parce qu’il est tout à la fois un lac de montagne et parce qu’il est aussi un lac classique, un morceau de l’antique mer grecque. Il faut le voir, ce lac terriblement libre, car il supporte d’être désaccordé. Dans un paysage de forêts foncées, vertes et noires, le Léman peut mettre, pour une heure, une note d’absinthe, qui ne se rattache à rien. Aucun peintre n’oserait, ni Hodler, ni Valloton, fixer ce vert de fluor…
(Merveilleux Léman, pp. 5-6.)
Source : http://www.fondation-ramuz.ch/index.php?page=la_fondation
Charles-François Landry (1909-1973) écrivain suisse né à Lausanne vit d'abord dans le sud de la France avant de s'établir sur les rives du Léman. Enfant battu, il se réfugie dans la nature et la solitude. Dès le collège il marque un goût prononcé pour l'écriture. C'est à vingt ans qu'il publie son premier recueil de poèmes Imagerie. Charles-François Landry se fixe définitivement en Suisse et réussit à vivre tant bien que mal de sa plume. Il dépeint les paysages et les mœurs de la Provence ou de la campagne vaudoise avec talent. Landry met en scène des gens simples aux prises avec les difficultés de la vie. La beauté du monde et des êtres le fascinent, ses œuvres sont imprégnées d'une poésie prenante et familière.
Charles-François Landry regagne la Provence vers la fin de sa vie mais c'est à Rivaz qu'il décède le 23 février 1973. (adapté de l'encyclopédie Wikipédia)
Vous le découvrez à l’aube, frais comme un enfant, souple comme une fleur ; il est alors couleur de glycine, pulpeux, enchanteur. Là-bas, sur l’autre rive distante de quatorze kilomètres, des villes et des villages sont comme des cailloux lavés par la rivière et nacrés […]. A peine si, de très haut dans le coteau vertigineux, vous liriez une ride sur le miroir ancien du Léman ; il se présenterait à vous presque noir à la rive, puis ensuite tout parcouru par des millions d’éclats de rire, avec des taches sombres qui sont, sans que rien n’explique le mystère, des endroits de calme absolu […].
Deux heures passent. Quelle est cette rumeur ? C’est un coup de vaudaire, vent sauvage venu du Valais, qui soulève en vagues de deux mètres une eau féroce, rugissante, jetant et reprenant ses volutes qui roulent, semble-t-il, des cristaux de Venise se brisant à bruit de galets, crachant une écume jaune, toute mêlée d’épaves moulues, bois noircis d’eau, et quelquefois rejetant au sable les oiseaux d’eau, si élégants, tués par le désastre […]. Peut-être faudrait-il dire que le Léman est fait de trois lacs […]. Là-bas, vers Genève, ils ont cette mare plus que propre, une mare désinfectée, mais une mare cependant, et qu’ils appellent Petit Lac […]. Ce n’est pas sérieux, malgré les arbres séculaires, dans des propriétés encore plus anciennes ; les rives sont basses et trop civilisées […]. Ce morceau du lac Léman est donc aussi naturel que des fleurs artificielles. Ensuite vient un lac dont il faudrait bien de la ruse pour cerner le doux climat, car cette nappe immense est à la fois le lac Léman de Mme de Noailles qui le voyait d’Amphion et le vieux lac de Lausanne qui fut une ville de pêcheurs romains […].
Et puis passé Lausanne, il y a un troisième lac. Un lac incroyable parce qu’il est tout à la fois un lac de montagne et parce qu’il est aussi un lac classique, un morceau de l’antique mer grecque. Il faut le voir, ce lac terriblement libre, car il supporte d’être désaccordé. Dans un paysage de forêts foncées, vertes et noires, le Léman peut mettre, pour une heure, une note d’absinthe, qui ne se rattache à rien. Aucun peintre n’oserait, ni Hodler, ni Valloton, fixer ce vert de fluor…
(Merveilleux Léman, pp. 5-6.)
Source : http://www.fondation-ramuz.ch/index.php?page=la_fondation
146. Bernard Clavel : "La lumière du lac".
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Né à Lons-le-Saunier en 1923, Bernard Clavel quitte l'école à quatorze ans pour faire un apprentissage de d pâtissier. Il gardera de ces deux ans un très mauvais souvenir. Dès son adolescence il peint et écrit, en pensant qu'un jour il pourra se consacrer totalement à son art : l'écriture. Bernard Clavel détruira plusieurs romains et de nombreux poèmes avant la publication en 1956 de son ouvrage "L'ouvrier de la nuit". Il publie près de 90 livres en 40 ans traduits dans une vingtaine de pays. Bernard Clavel a reçu plus d'une vingtaine de prix littéraires, dont le Prix Goncourt pour "Les Fruits de l'hiver". En 1971, il est élu à l'académie Goncourt. Il en démissionne en 1977.
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La brume de lumière était toujours là. D’un jaune paille très tendre, elle se mêlait à des gris où se devinaient déjà les montagnes de Savoie. Bisontin les guettait. Il guettait le combat qui allait se livrer entre l’ombre et la lumière. Il eût aimé regarder partout à la fois devant lui, où se creusaient des puits bleutés au fon desquels apparaissaient de manière fugitive des neiges et des terres mauves ; à sa droite où la masse des brouillards semblait s’épaissir et s’avancer vers lui ; à sa gauche où l’eau brasillait, fumait, accrochait le feu d’un soleil encore invisible mais déjà présent. Le cœur de l’incendie explosa soudain et de longues flammes vinrent lécher la rive, jusqu’à ses pieds […]. Toutes ces lueurs et ces ombres mêlées entraient en mouvement et c’était un peu comme si le lac tout entier se fût mis à fumer, comme une soupe sur un grand feu […]. La première chose qu’ils découvrirent avant même d’atteindre la maison, ce fut le lac. Bisontin le reçut en plein visage et en plein cœur, dans toute sa grandeur d’hiver. Il était là, à la fois proche et lointain, poli par la bise et le soleil qui s’unissaient pour lui donner plus d’éclat encore qu’à la neige. Il était une nappe d’or pâle entre ces montagnes d’argent où se dessinaient des coulées bleues immobiles. Tous ces ruisseaux figés charriaient des cendres lumineuses jusqu’au lac qui les métamorphosait en paillettes de feu. "La lumière du lac", pp. 131-135
Né à Lons-le-Saunier en 1923, Bernard Clavel quitte l'école à quatorze ans pour faire un apprentissage de d pâtissier. Il gardera de ces deux ans un très mauvais souvenir. Dès son adolescence il peint et écrit, en pensant qu'un jour il pourra se consacrer totalement à son art : l'écriture. Bernard Clavel détruira plusieurs romains et de nombreux poèmes avant la publication en 1956 de son ouvrage "L'ouvrier de la nuit". Il publie près de 90 livres en 40 ans traduits dans une vingtaine de pays. Bernard Clavel a reçu plus d'une vingtaine de prix littéraires, dont le Prix Goncourt pour "Les Fruits de l'hiver". En 1971, il est élu à l'académie Goncourt. Il en démissionne en 1977.
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La brume de lumière était toujours là. D’un jaune paille très tendre, elle se mêlait à des gris où se devinaient déjà les montagnes de Savoie. Bisontin les guettait. Il guettait le combat qui allait se livrer entre l’ombre et la lumière. Il eût aimé regarder partout à la fois devant lui, où se creusaient des puits bleutés au fon desquels apparaissaient de manière fugitive des neiges et des terres mauves ; à sa droite où la masse des brouillards semblait s’épaissir et s’avancer vers lui ; à sa gauche où l’eau brasillait, fumait, accrochait le feu d’un soleil encore invisible mais déjà présent. Le cœur de l’incendie explosa soudain et de longues flammes vinrent lécher la rive, jusqu’à ses pieds […]. Toutes ces lueurs et ces ombres mêlées entraient en mouvement et c’était un peu comme si le lac tout entier se fût mis à fumer, comme une soupe sur un grand feu […]. La première chose qu’ils découvrirent avant même d’atteindre la maison, ce fut le lac. Bisontin le reçut en plein visage et en plein cœur, dans toute sa grandeur d’hiver. Il était là, à la fois proche et lointain, poli par la bise et le soleil qui s’unissaient pour lui donner plus d’éclat encore qu’à la neige. Il était une nappe d’or pâle entre ces montagnes d’argent où se dessinaient des coulées bleues immobiles. Tous ces ruisseaux figés charriaient des cendres lumineuses jusqu’au lac qui les métamorphosait en paillettes de feu. "La lumière du lac", pp. 131-135
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