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6. Octobre, c'est le moment de la fenaison; l'odeur du foin fauché qui jonchait les plaines et les coteaux était si dense, que, par une confusion des sens, cette vaste senteur semblait verte. Les cloches des troupeaux, que les sommets neigeux rendaient aux pâturages de la rive, emplissaient l'air d'un angélus pastoral. A l'heure du crépuscule, la troupe invisible des génies de l'air déployait avec plus d'empressement que ne le font les marchands d'Orient le tapis du soleil déclinant qui dorait jusqu'à la couche secrète de l'onde.
L'intérieur de notre maison, (la villa Bassaraba à Amphion) les boiseries du vestibule, des escaliers et du salon, les tentures fleuries de bouquets tramés dans le chanvre, le piano verni où jouait ma mère, s'imprégnaient d'humidité combattue par des feux de bois, où éclataient en étincelles les vigoureuses pommes de pin ramassées sur les pelouses du jardin ventilé.
Dans ces moments où l'asile humain lutte contre le turbulent automne, je compris pourquoi la demeure peut, en dépit de son aspect de tutélaire prison, rappeler si fortement la nature et en dispenser les baumes., file est née de l'arbre et conserve jusque dans ses humbles revêtements, réduits à nous rendre service, la moelle, l'essence, les fibres et la résine des forêts. De là ce parfum secret et insistant des logis, aussi radieux à l'odorat que la couleur l'est au regard. Si parfaites de transparence, de pureté, de bonheur sans inquiets désirs furent de telles journées de Savoie qu'elles devaient me servir de modèle définitif pour la figure du monde, selon mon choix.
Mon père, dissimulant sous un robuste entrain le regret que lui causait la séparation d'avec son jardin triomphal et d'avec sa famille, était rentré à Paris afin de conduire mon frère aîné, âgé de neuf ans, au collège. Ma mère, entourée de convives familiers, continuait de mener sa vie habituelle enveloppée de musique, soucieuse de visites à rendre aux châtelains du lac. […]Habitations toutes exquises par le lierre, le buis géant, les vignes, les plates-bandes de calcéolaires et de bégonias, l'ombrage des noyers et des châtaigniers, indifférents à la sécheresse casanière de l'arbre généalogique.
Blason de la ville d'Evian. Chapelle latérale de l'Eglise Notre-Dame.