10.30.2008

278. Charles-Ferdinand Ramuz. 3.

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3. C'était sur la terrasse, ce jour-là,
parce qu'on y était mieux
qu'à l'intérieur, par la chaleur qu'il faisait; c'était derrière les lauriers-roses; lui, entre deux de ces lauriers, l'un à fleurs blanches, l'autre à fleurs roses, vous montrait, de son bras tendu, la dent d'Oche qui est une montagne de chez nous. Au milieu de la chaîne, bordant la rive sud du lac. C'est la plus haute des sommités, avec une forte tête rocheuse qui domine toutes les autres. Joël montrait la dent d'Oche. On a vu la dent d'Oche fumer. Une bonne et brave montagne de chez nous, que Joël montrait ainsi à la petite : « C'est un volcan ». On voyait la dent d'Oche qui fumait: « C'est des îles qui sont des montagnes dont le fin bout seulement sort de la mer; elles fument le jour et la nuit elles sont rouges ». ("L'amour du monde", page 42)
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Ce n'est pas tout à fait la vraie Savoie, c'est celle du bord du lac, et non du grand mais du petit: de Nyon, on le traverse en un quart d'heure, vingt minutes; et c'est Nernier ou c'est Yvoire, et il faut s'enfoncer un peu dans le pays. Point de montagnes, sinon beaucoup plus en arrière, la chaîne des Voirons, bleuissante déjà, et à l'autre horizon, la chaîne du Jura. C'est vallonneux et nu, avec une herbe rare, c'est pierreux, buissonneux; et c'est encore un peu « chez nous », mais avec autre chose; c'est la France, mais en même temps c'est la Zone; alors, ce petit lac, nous le franchissons trop difficilement; trop difficilement, nous autres Vaudois, nous consentons à aller voir, tout près de nous, ce qui se passe. ("Un coin de Savoie", p. 205.)