3.06.2007

37. Charles Ferdinand Ramuz : "Chant de notre Rhône". 4/4.

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Alors je me rassieds [...] réinvoquant ces lieux, de nouveau ces villages sont nommés un à un, cette Savoie d'en face et les montagnes de Savoie, notre Lavaux, notre Jura, notre La-Côte; les villages de là-bas à noms de Saints et les nôtres aussi à noms de Saints : Saint-Gingolph, Meillerie, Evian, Saint- Paul, Thonon, Nernier, Yvoire; Nyon, Rolle, Saint-Prex, Morges, Lausanne, puis Cully, puis Saint-Saphorin, puis Vevey, Clarens, Villeneuve [... ] ces villages entiers mirés, quand ils pendent dans le néant comme à un fil les jours de brume, ces taches jaunes, ces taches brunes, ces taches rouges; ceux d'autour du miroir nommés d'abord et désignés; et puis ceux d'en aval, et alors viennent les grandes villes, viennent Genève, puis Lyon; puis de nouveau des villages et des bourgs comme ceux d'ici, par une étrange ressemblance et une étrange symétrie, ces rochers roux du Villeneuve de là-bas (non plus le nôtre) et leurs ruines, Orange, Avignon, Arles, les vignes de là-bas (toujours ce torrent de montagne, toujours le galop du taureau), et enfin, près de l'embouchure, cette Crau qui répète les déserts rocheux de la source, parce que le vieillard revient à son enfance et il faut que le cercle soit complètement refermé. O Méditerranée d'alors, n'est-ce pas qu'il convient que tu ressembles au berceau même ? (Chant de notre Rhône)