
Charlotte se découvrit du goût pour les plaisirs qu'offrait avec, générosité la ville. Elle qui, l'année passée, ne connaissait guère d'Evian que la Grand'Rue et sa librairie, souhaitait maintenant mettre à profit ses journées de liberté pour des loisirs moins austères.
Elle rendait toujours visite à Mademoiselle Desgranges, mais leurs, conversations étaient, bien plus qu'en hiver, interrompues par des' clients dont la bonne demoiselle devait s'occuper. Alors Charlotte la· quittait, et allait flâner autour de la Buvette, dans les jardins ou sur les quais, admirait les femmes élégantes, et le luxe des automobiles. Elle aimait aller s'asseoir, le matin, dans un des fauteuils de rotin de la Buvette, où, pour le verre de onze heures, se pressait la foule des baigneurs. Les plantes vertes qui ornaient le grand escalier, la naïade centrale, les vitres de la verrière, cernées par des boiseries en volutes, composaient une atmosphère d'aquarium où évoluaient lentement; des groupes de curistes assoiffés; les vieilles darnes entortillées de perles rythmaient avec leur canne la musique tantôt martiale, tantôt· sirupeuse, dispensée par le petit orchestre de la Buvette que son. chef, Monsieur Cherubini, s'efforçait de hisser au niveau de celui du Casino.
Pierre Lartigue. "Charlotte des carrières", page 51.