11.23.2007

170. Paul et Adolphe Joanne : "Meillerie, Lord Byron".

----------------------------------------------------
Meillerie, petit village de pêcheurs, n'était autrefois facilement accessible que par eau, car les rochers, qui portent son nom, et qu’ont rendus si célèbres J.-J. Rousseau et. Byron, descendaient à pic, semblables à d'énormes tours, jusque dans les eaux du lac, profond en cet endroit de plus de 252 mètres. « Une file de rochers stériles borde la côte et environne mon habitation, écrivait Saint-Preux à Julie. J'y ai trouvé, dans un abri solitaire, une petite esplanade d'où l'on découvre en plein la ville heureuse où vous habitez ... Vous connaissez l’antique usage du château de Leucate, dernier refuge de tant d'amants malheureux. Ce lieu-ci lui ressemble à bien des égards. La roche est escarpée, l'eau est profonde, et je suis au désespoir ».
En 1816, Lord Byron, se promenant en bateau sur le lac avec le poète Shelley, fut assailli par une tempête si violente, que, se débarrassant de ses habits, il se préparait à gagner le rivage à la nage, lorsqu'un coup de vent jeta le bateau contre les rochers de Meillerie.
Dans le dixième entretien de son cours de littérature, M. de Lamartine raconte ainsi cet épisode de la vie de Lord Byron : Il ne m'est jamais arrivé de rencontrer personne sur ces grèves désertes … Je ne m'entretenais qu'avec les flots et les brises du lac, qui n'avaient à me dire que ce que leur disaient les vagues et les mélancolies de la nature, moins vagues et moins mélancoliques que mon cœur où ils résonnaient.
Un soir, je fus surpris par un grand orage mêlé de tonnerre et de vent. Il éclata tout à coup sur les hauteurs de Thonon et d'Evian; il souleva en quelques minutes sur le lac des lames plus courtes, mais aussi creuses et aussi écumantes que celles de l'Océan. Je cherchai un abri contre les premières ondées de pluie sous un petit rocher qui s·avançait en demi-voûte le long du rivage; deux petits bergers du pays et un vieux mendiant de Genève, qui regagnait la ville, sa besace pleine de châtaignes et de morceaux de pain, s'y étaient abrités avant moi. Ils se rangèrent pour me faire un peu de place. Nous nous assîmes sur nos talons pour attendre la fin de l'orage. La mince voûte de rocher tremblait· au coup du tonnerre, et les lames, pulvérisées en brouillard par le vent, montaient jusqu'à nous et nous mouillaient de leur écume presque autant que la pluie. (suite 171)