10.07.2007

147. Charles François Landry : "Vaud et Valais".

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Charles-François Landry (1909-1973) écrivain suisse né à Lausanne vit d'abord dans le sud de la France avant de s'établir sur les rives du Léman. Enfant battu, il se réfugie dans la nature et la solitude. Dès le collège il marque un goût prononcé pour l'écriture. C'est à vingt ans qu'il publie son premier recueil de poèmes Imagerie. Charles-François Landry se fixe définitivement en Suisse et réussit à vivre tant bien que mal de sa plume. Il dépeint les paysages et les mœurs de la Provence ou de la campagne vaudoise avec talent. Landry met en scène des gens simples aux prises avec les difficultés de la vie. La beauté du monde et des êtres le fascinent, ses œuvres sont imprégnées d'une poésie prenante et familière.
Charles-François Landry regagne la Provence vers la fin de sa vie mais c'est à
Rivaz qu'il décède le 23 février 1973. (adapté de l'encyclopédie Wikipédia)

Vous le découvrez à l’aube, frais comme un enfant, souple comme une fleur ; il est alors couleur de glycine, pulpeux, enchanteur. Là-bas, sur l’autre rive distante de quatorze kilomètres, des villes et des villages sont comme des cailloux lavés par la rivière et nacrés […]. A peine si, de très haut dans le coteau vertigineux, vous liriez une ride sur le miroir ancien du Léman ; il se présenterait à vous presque noir à la rive, puis ensuite tout parcouru par des millions d’éclats de rire, avec des taches sombres qui sont, sans que rien n’explique le mystère, des endroits de calme absolu […].
Deux heures passent. Quelle est cette rumeur ? C’est un coup de vaudaire, vent sauvage venu du Valais, qui soulève en vagues de deux mètres une eau féroce, rugissante, jetant et reprenant ses volutes qui roulent, semble-t-il, des cristaux de Venise se brisant à bruit de galets, crachant une écume jaune, toute mêlée d’épaves moulues, bois noircis d’eau, et quelquefois rejetant au sable les oiseaux d’eau, si élégants, tués par le désastre […]. Peut-être faudrait-il dire que le Léman est fait de trois lacs […]. Là-bas, vers Genève, ils ont cette mare plus que propre, une mare désinfectée, mais une mare cependant, et qu’ils appellent Petit Lac […]. Ce n’est pas sérieux, malgré les arbres séculaires, dans des propriétés encore plus anciennes ; les rives sont basses et trop civilisées […]. Ce morceau du lac Léman est donc aussi naturel que des fleurs artificielles. Ensuite vient un lac dont il faudrait bien de la ruse pour cerner le doux climat, car cette nappe immense est à la fois le lac Léman de Mme de Noailles qui le voyait d’Amphion et le vieux lac de Lausanne qui fut une ville de pêcheurs romains […].
Et puis passé Lausanne, il y a un troisième lac. Un lac incroyable parce qu’il est tout à la fois un lac de montagne et parce qu’il est aussi un lac classique, un morceau de l’antique mer grecque. Il faut le voir, ce lac terriblement libre, car il supporte d’être désaccordé. Dans un paysage de forêts foncées, vertes et noires, le Léman peut mettre, pour une heure, une note d’absinthe, qui ne se rattache à rien. Aucun peintre n’oserait, ni Hodler, ni Valloton, fixer ce vert de fluor…
(Merveilleux Léman, pp. 5-6.)

Source : http://www.fondation-ramuz.ch/index.php?page=la_fondation