3.13.2007

59. Emmanuel Berl : "Cimetière". 3/3.

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En 1913, Anna de Noailles devait pousser la gentillesse jusqu’à me chercher en voiture à Evian, pour me mener à Amphion. J'étais ému de la voir dans le beau jardin qu’elle avait tant chanté. Elle m'y a présenté à sa mère, et j'ai eu la grande joie d'entendre Mme de Brancovan jouer au piano Schubert et Chopin. Sans effort apparent, elle m'émouvait plus que n'avait pu faire le plus grand orchestre de Munich. Je n'ai pas entendu Paderewski qui logeait face à Amphion, à Morges, mais je ne pense pas qu'il ait pu être plus touchant que ne l'était Madame de Brancovan dans ses morceaux préférés.
Devant elle, dans son jardin, Anna de Noailles redevenait par instants la petite fille avec laquelle j'aurais pu parler sans être intimidé. Mais bientôt l'éloquence reprenait son jaillissement et faisait refleurir mon angoisse de mal comprendre, de mal répondre, de ne pas me rappeler ses formules décisives et fugaces. (Cimetière)
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Montage de portraits d'Anna de Noailles (archives de l'auteur)