11.07.2008

337. Anna de Noailles : "Nous étions de très petits enfants . . . "

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Nous étions de très petits enfants, heureux à Amphion en octobre. Ce mois de cristal est le plus beau qui soit au bord du Lac Léman. L’été finissant traîne ses caresses ensoleillées sur les prairies encore en fleurs et qui soupirent de satisfaction. Les oiseaux, pris de vertige, tournoient sans discernement, dans une confusion bleuâtre, se trompent d’élément, pénètrent les vagues, d’où ils rejaillissent, si bien qu’on croit voir une hirondelle qui nage ou une ablette ailée.

Je ne souhaite pas d'éternité plus douce
Que d'être le fraisier arrondi sur la mousse,
Dans vos taillis serrés où la pie en sifflant
Roule sous les sapins comme un fruit noir et blanc.
Dormir dans les osiers, près des flots de la Dranse
Où la truite glacée et fluide s'élance,
Hirondelle d'argent aux ailerons mouillés !
Dormir dans le sol vif et luisant où mes pieds
Dansaient aux jours légers de l'espoir et du rêve !
O mon pays divin, j'ai bu toute ta sève,
Je t'offre ce matin un brugnon rose et pur,
Une abeille engourdie au bord d'un lis d'azur,
Le songe universel que ma main tient et palpe,
Et mon coeur, odorant comme le miel des Alpes !