Texte du poème dont le manuscrit est reproduit dans le message 261
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Mes livres, je les fis, pour vous, ô jeunes hommes,
Et j'ai laissé dedans,
Comme font les enfants qui mordent dans des pommes
La marque de mes dents.
J'ai laissé mes deux mains sur la page étalées
Et la tête en avant
J'ai pleuré, comme pleure au milieu de l'allée
un orage crevant.
Je vous laisse, dans l'ombre amère de ce livre,
Mon regard et mon front,
Et mon âme toujours ardente et toujours ivre
Où vos mains traîneront.
Je vous laisse le clair soleil de mon visage,
Ses millions de rais,
Et mon coeur faible et doux qui eut tant de courage
Pour ce qu'il désirait.
Je vous laisse mon coeur et toute son histoire,
Et sa douceur de lin,
Et l'aube de ma joue, et la nuit bleue et noire
Dont mes cheveux sont pleins.
Voyez comme vers vous, en robe misérable
Mon Destin est venu.
Les plus humbles errants, sur les plus tristes sables,
N'ont pas les pieds si nus.
Et je vous laisse, avec son feuillage et sa rose,
Le chaud jardin verni
Dont je parlais toujours; et mon chagrin sans cause
Qui n'est jamais fini .....
(Les Eblouissements)