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Le clair de lune était splendide, la route lumineuse comme en plein jour; mais l'air était froid, car il gelait sur ces hauteurs, et les noirs sapins avaient sur toutes leurs branches de grandes aiguilles de glace qui brillaient comme des diamants.
Après plusieurs heures de marche sur une route toujours montante, on traversa un dernier défilé entre deux montagnes.
- Vous savez sans doute, mes enfants, dit alors M. Gertal, que nous sommes ici à deux pas de la Suisse, et nous arriverons bientôt au haut d'un col d'où l'on découvre toute la Suisse, la Savoie et les Alpes. Descendons de voiture, et nous regarderons le soleil se lever sur les montagnes : le temps est pur, ce sera magnifique.
Le petit Julien en un clin d'œil fut éveillé, il se hâta de sauter sur la route et courut en avant. Mais André l'avait devancé, et lorsqu'il fut au sommet du col:
- Oh Julien, s'écria-t-il, viens voir !
L'enfant arriva vite. Les deux frères se trouvaient placés au haut de la chaîne du Jura comme sur une muraille énorme presque droite. A leurs pieds s'ouvrait un vaste horizon: la Suisse était devant eux. Tout en bas, dans la plaine, s'étalait à perte de vue le grand lac de Genève, le plus beau de l'Europe, dominé d toutes parts par des montagnes blanches de neige.
- Comme ce lac brille sous les rayons de la lune! dit Julien; moi je l'aurais pris volontiers pour la mer, tant je le trouve grand !
- Mais dis-moi, André, comment s'appellent ces montagnes là-bas, si hautes, si hautes, qui enferment le lac comme dans une grande muraille?
- Ce sont les Alpes de la Savoie, dit M. Gertal qui arrivait. A nos pieds est la Suisse, mais à droite, c'est encore la France qui se continue, bornée par les Alpes. Dans la Savoie, en France, se trouvent les plus hautes montagnes de notre Europe. Ces neiges qui couvrent leurs sommets sont des neiges éternelles.
- Vois-tu, en face de nous, sur la droite, ce grand mont dont la cime blanche s'élève par dessus toutes les autres? C'est le Mont Blanc. Il y a sûrement sur sa cime glacée des neiges qui sont tombées depuis des siècles et que nul rayon du chaud soleil d'été n'a pu fondre.
- Quoi! vraiment? dit Julien, d'un air réfléchi, en poussant un soupir d'étonnement.
- Oui, continua M. Gertal, chaque hiver de nouvelles neiges recouvrent les anciennes. Aussi, aux endroits où la montagne en est trop chargée, il suffit d'un coup de vent, [...] pour ébranler des blocs de neige et de glace entassés; ces blocs s'écroulent alors avec un bruit effroyable, écrasent tout sur leur passage, ensevelissent les troupeaux, les maisons, parfois des villages entiers. C'est ce qu'on appelle les avalanches. (pages 85 et 86)