11.19.2007

164. Henry Bordeaux : "Le Chablais de mon enfance".1/2.

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 ------------------------En 1931, Henry BORDEAUX (1870-1963) pleure son Chablais natal. Il exprime ce que nous ressentons lorsque nous retournons au pays natal après une longue absence. l'écrivian a le sentiment d'avoir perdu le cher pays de son enfance : le Chablais, de Thonon, d'Amphion et d'Evian . (source : médiathèque Ch. RAMUZ, Evian)-----------------------"J’ai perdu le pays de mon enfance, et peut-être chacun de nous est-il menacé de perdre le sien. Mais l'enjeu était pour moi plus considérable, parce que mon pays s'appelle le Chablais. Il n'existe plus. Il a disparu, comme autrefois, dans les temps anciens, l'Atlantide […] A vrai dire, il y a bien encore un Chablais. Il s'épanouit du lac Léman, par gradins successifs, jusqu'à la barre de rochers dentelés qui se découpent sur l'horizon tantôt comme des ombres chinoises et tantôt comme de flottants nuages. Ce dernier printemps, d'un belvédère de la rive suisse, je le regardais qui s'étalait paresseusement au soleil en face de moi, et je pensais le posséder tout entier dans un regard. Voyez comme il se creuse harmonieusement entre les pointes de Ripaille et d'Yvoire pour recevoir, au fond du golfe, Thonon dressé sur les eaux comme un îlot arborescent.
Voyez comme ces mêmes eaux bleues caressent les pieds d'Evian pareille à une blanche sirène. Voici des vignobles qui nous promettent un petit vin blanc si gaillard et si vif qu'on ne peut se lasser d'en boire et qu'on lui trouve sans cesse un goût de revenez-y, et voilà des crosses qui sont de hauts arbres morts autour desquels on fait grimper des sarments de ceps robustes, en sorte que les branches desséchées portent des guirlandes de pampres et de raisins à la saison des vendanges. La flottille des voiles latines regagne le port de Meillerie dont elle a distribué les pierres aux entrepreneurs des hôtels ou des banques de Lausanne, ou aux constructeurs du palais de la Société des Nations à Genève. Une plaine fertile, tantôt de ce vert tendre qui présage les moissons blondes, tantôt de ce vert plus foncé des taillis et des prairies, se déplie comme un tapis aux dessins réguliers jusqu'au premier étage des coteaux de Saint-Paul, de Féternes, d'Allinges, de Boisy, de Ballaison, de Langin.
La chaîne boisée des Hermones, du Forchet, des Moises et des Voirons abrite contre les vents et protège contre la chaleur cette contrée entre toutes favorisée pour sa douceur et sa gentillesse, tandis que les pointes élancées ou émoussées de la Dent d'Oche, des Cornettes de Bise, du Billard et du Roc d'Enfer se dressent au-dessus pour contenir les vallées d'Abondance, de Saint-Jean d'Aulph et de Bellevaux, dont les torrents se réunissent en une seule Dranse". Le Chablais ou le pays de mon enfance - Emile Paul frères, 1931
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