3.04.2007

30. Charles-Albert Cingria : "J'ai envie de parler d'Ouchy ".

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J'ai envie de parler d'Ouchy, le patelin où je me trouve. C'est curieux ce que je suis attaché à ce coin-là, surtout l'hiver. Est-ce que j'aime l'hiver? Oui, je suis obligé de vous dire que j'aime l'hiver.J'aime aussi l'été et sa suite, l'automne, prodigieusement. Le printemps ? Absolument pas - à cause de malaises astrologiques-physiques qu'il m'est impossible de vaincre.
Il faut vous dire que je suis né en février et le 10, et que pour les sujets nés à ces degrés ou coins de degrés, c'est à ce moment une mauvaise passe. Il faudrait que je prenne des tisanes ou Dieu sait quoi. J'aime mieux continuer à prendre l'apéritif à votre santé et surtout à la mienne... et attendre. [...]. Eh bien Ouchy est délirant. D'abord parce qu'il n'y a personne ou presque personne, sauf quelques cygnes et un lord que j'ai pris d'abord pour tel, mais qui s'est avéré par la suite n'être que la suite d'un lord - j'entends un lord véritable - dont il était le conseiller et le domestique, ce qui n'est pas peu. Et très original au surplus - original au sens où l'on dit que tous les Anglais sont originaux; malheureusement assez peu cultivé et s'exprimant d'une façon incompréhensible. [...]
Qu'y a-t-il d'autre ? Les cygnes. Ce sont des cygnes qui ont quitté le lac, trouvant commode d'aller vivre dans les magasins ou sur la place où ils restent collés, gelés par le froid, au moment où le trolleybus, qui est une admirable machine bleu ciel bien chauffée à l'intérieur, requiert son réglementaire passage. [...] Charles-Albert Cingria (1943) in "Le Voyage en Suisse". C. Reichler et R. Ruffieux Coll. Bouquins, Robert Laffont