4.23.2007

104. Martine de Rosny-Farge : "La petite fille du Lac". 2/3.

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Les adultes nous ont rejoints à la glissière. Ils ont continué vers la maison. Nous les avons suivis en ribambelle. Le soleil du matin colorait les arbres des jardins de sa vivacité légère. Dans la ruelle, des enfants nous regardaient avec curiosité.
Nous allions grandir ensemble chaque été, et jusqu'à l'âge adulte, partager joies enfantines et émois d'adolescents.
Nous avons escaladé un escalier paysan en bois. Nous nous sommes enfilés dans un couloir un peu mystérieux. La porte du fond s'est ouverte sur une grande pièce.
Sans s'arrêter, le premier arrivant a traversé la salle. Il a ouvert une porte-fenêtre. Une délicieuse bouffée d'air frais a coulé sur mon visage fatigué, comme une invitation. Je l'ai suivi. Et j'ai surgi sur le balcon ...
Le lac était là, omniprésent. J'ai eu la surprise de constater que le mur de la maison s'enfonçait dans une eau chatoyante qui caressait la pierre de son robuste clapot. La maison était dans l'eau. Deux jetées arrondies enserraient l'intérieur du port de leurs bras protecteurs. Quelques bateaux s'y balançaient doucement. Au-delà de cette eau tranquille, le lac prenait son essor, comme une sorte d'infini. En face, très loin, tamisée par la brume de beau temps, on apercevait l'autre rive. On y devinait une petite ville dont les maisons se confondaient avec la ligne mouvante de l'eau bleue. Au-dessus, comme une autre ligne parallèle d'un bleu plus clair, des montagnes se perdaient dans le bleu rosé du ciel et la blancheur pommelée des nuages.
Le Léman n'allait pas toujours être aussi agréable. Dans les années cinquante, plusieurs saisons pluvieuses nous contraignirent à rester dans les maisons, à jouer aux cartes, à «l'assassin» dans la grande pièce du haut. La pluie tombait inexorablement et les platanes coulaient comme des gouttières. (La petite fille du lac - Souvenirs lémaniques)