10.30.2008

276. Charles-Ferdinand Ramuz. 1.

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1. Mon pays se tient devant moi,
qui descend du nord vers le sud,
par une pente presque uniforme ; mon pays se tient devant moi, qui est assis devant son lac. Il est assis devant son lac, comme l'enfant devant un livre d'images et accoudé, la tête dans ses mains, il regarde, sur la page lisse, les beaux dessins qu'y font les reflets d'un ciel chargé de nuages ou plus sombre encore de son seul azur. On voit sur l’eau des taches d'huile, elle est un dallage ou un tout, elle est d'écailles, elle est de zinc, elle est bleue, elle est rose.
Ô pays penché en avant, où cherche-t-on ta raison d'être ? Notre œil, pour la trouver, n'a qu'à se laisser aller à ta pente, au bas de quoi ce miroir étincelle ou bien il est mat comme de l'étain. Pourquoi ceux d'avant nous n'ont-ils voulu voir que la barrière de tes montagnes ? Pourquoi n'ont-ils jamais été que des grimpeurs? Quand tout ce qui les entourait ne songeait qu'à descendre, pourquoi eux ne songeaient-ils qu'à monter ? […] L'Alpe était devenue leur centre; nous la mettons à l'horizon: nous mettons au milieu ce qui est au milieu. (« Raison d'être », page 59.)

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