1.26.2008

195. Charles Ferdinand Ramuz : "Pensée à la Savoie". 2/3.

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Et cependant, il vit, ce pays, à l'heure qu'il est, il souffre, Cela ne suffira pas à resserrer la parenté ? Cette communion qui manque, l'idée de le savoir blessé, ne va-t-elle pas l'établir, réveillant une sympathie ? Et alors reprendront leur sens, pour nous qui admirons surtout « la belle vue » et qui l'admirons un peu trop, la forme humaine de ces rochers, la forme vivante de ce rivage,
Ce n'est pas que rien ait changé en apparence. Toujours le même calme règne sur ce beau visage de lumière et d'ombre, dont le soleil couchant accentue le relief; c'est cette même grandeur de masse, cette tranquille assiette, cette sérénité; le pays de là-bas cache des choses en lui-même, il a cette pudeur du cœur qui donne tant de force à ce qu'elle laisse échapper; pourtant ces choses-là se savent, et nous n'ignorons plus son deuil.
Tous ceux qui sont partis de dedans ces maisons à gros crépi écailleux et lézardé, où des linges de couleur se balancent à la bise, où des femmes sont sur le seuil, tous ces garçons, un paquet sous le bras, les uns chantant trop fort, les autres trop silencieux, et qui étaient pêcheurs comme nous, vachers, laboureurs comme nous, même quelques-uns vignerons chez nous, avec des noms pareils, des figures, un accent pareils, ils sont partis, ils ne reviendront plus. Ils s'en sont retournés au dernier contour, ont encore crié quelque chose et le lac qui porte les voix, qui sait, si tout alors faisait silence, peut-être qu'un écho est venu jusqu'à nous.