1.27.2008

199. Anna de Noailles et Evian. 2/2

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De bonne heure, le dimanche matin, sous le soleil de juillet et d'août, nous nous hâtions vers la chapelle du couvent […]. J'ai, pendant mon enfance et mon adolescence, parcouru cette route avec un plaisir si fort qu'il me semble avoir failli mourir de la joie de vivre. Cette joie m'était lancée de tous les points de l'étendue, et, me frappant comme de mille balles argentines, me faisait réellement chanceler de nostalgie céleste et d’ineffable convoitise […].
Dirais-je, qu'en me rendant à quatorze ans, les dimanches de juillet dans un poudroiement de soleil et de poussière, chez les religieuses Clarisses j'étais une enfant dévote, que le service de Dieu uniquement attirait ? Non point. Certes, le dimanche matin me semblait marqué pour la joie, et pour une joie religieuse, mais j'étendais à tous les sentiments cette gravité et cette liesse. Jeunesse, ambition, amour, munificence, paysages infinis, je vous ai possédés au son d'une cloche de couvent dont les vibrations glauques et liquides chantaient tous les départs toutes les constances et sanctifiaient la sublime générosité des désirs.
(Exactitudes)

Dessin de Jean Cocteau : "Je ferme les yeux. J'essaie, Anne, de revoir votre sourire"