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Le vent qui fait tomber les prunes,
Les coings verts,
Qui fait vaciller la lune,
Le vent qui mène la mer,
Le vent qui rompt et qui saccage,
Le vent froid,
Qu’il vienne et qu’il fasse rage
Sur mon coeur en désarroi !
[...] Ah ! qu’elle vienne la tempête
Bond par bond,
Qu’elle prenne dans ma tête
Ma douleur qui tourne en rond.
Ah! qu’elle vienne, et qu’elle emporte
Se sauvant,
Mon coeur lourd comme une porte
Qui s’ouvre et bat dans le vent.
Qu’elle l’emporte et qu’elle en jette
Les morceaux
Vers la lune, à l’arbre, aux bêtes,
Dans l’air, dans l’ombre, dans l’eau,
Pour que plus rien ne me revienne
A jamais,
De mon âme et de la sienne
Que j’aimais...
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[...] Un pied de roses et de vigne
Fournit de feuilles les maisons,
Où le soir la lumière cligne
Aux fenêtres en floraison.
Dans les parcs, les miroirs du sable
Reflètent l’ombre du sapin ;
La pelouse est comme une fable
Avec sa pie et ses lapins.
[...] Les rivières avaient leurs tanches,
La plaine humide le héron,
Comme aujourd’hui où le jour penche
Son soleil sur les arbres ronds.
Ce soir, cette basse colline
Bleuit au crépuscule long,
Comme quand le petit Racine
Jouait à la Ferté-Milon.
Ô beaux pays d’ordre et de joie,
Vous ne déchiriez pas le cœur
Comme à présent où l’homme ploie
Sous votre ardeur et votre odeur.
Quand Fénelon au temps champêtre
Marchait dans le soir parfumé,
Portant déjà la langueur d’être
Un jour malgré soi-même aimé ;
La lune, le hêtre immobile,
L’eau grave, l’if silencieux,
Entraient dans son rêve tranquille
Et formaient la face de Dieu.
Et quand, après des pleurs de rage,
Les amants entraient au couvent,
Les étangs et les beaux ombrages
Les consolaient des yeux vivants.
Car dans ce temps, haute et paisible,
La Nature, ses bois, ses eaux,
N’avaient pas cette âme sensible
Qui plus tard fit pleurer Rousseau…
"L'Ombre des Jours" 1902.