Aujourd'hui, le coeur las et blessé par le feu,
Je vous bénis encor, o brasier jaune et bleu,
Exaltant univers dont chaque élan m'enivre !
Mourante, je dirai qu'il faut jouir et vivre;
Que, malgré la langueur d'un corps triste et brûlant,
La nuit est généreuse et le jour succulent;
Que les larmes, les cris, la douleur, l'agonie
Ne peuvent pas ternir l'allégresse infinie !
Qu'un moment du désir, qu'un moment de l'été,
Contiennent la suave et chaude éternité.
O sol humide et noir d'ou jaillit la jacinthe !
Qu'importe si dans l'âpre et ténébreuse enceinte
Les morts sont étendus froids et silencieux.
O beauté des tombeaux sous la douceur des cieux !
Marbres posés ainsi que des bornes plaintives,
Rochers mystérieux des incertaines rives,
Horizontale porte accédant à la nuit,
O débris du vaisseau, épave qui reluit,
Comme vous célébrez la joie et l'abondance,
La force du plaisir, l'audace de la danse,
L'universelle arène aux lumineux gradins !...
Et quelquefois, parmi les funèbres jardins,
Je crois voir ses pieds nus appuyés sur les tombes,
Un Eros souriant qui nourrit des colombes...
Today, with weary heart burned by flames,
Today, with weary heart burned by flames,
I bless you still, o blue and yellow blaze,
Exalting universe whose every surge intoxicates me !
Dying, I will proclaim that we must enjoy and live;
That despite the languor of a sorrowful and burning body,
Night is munificent and day succulent;
That tears, cries, suffering, agony
Cannot tarnish infinite rapture !
That one moment of desire, one moment of summer,
Contain suave and ardent eternity.
O black and moist earth where the hyacinth shoots up !
It matters little if in the grim and gloomy enclosure
The dead lie cold and silent.
O beauty of tombs beneath serene skies !
Marble slabs set like plaintive markers,
Mysterious rocks on uncertain shores,
Horizontal door opening onto the night,
O debris of the ship, radiant wreckage,
How you celebrate joy and abundance,
The power of pleasure, the daring of dance,
The universal arena and its luminous tiers !...
And sometimes, in the funereal gardens,
I believe I see, his naked feet weighing on tombs,
A smiling Eros who nourishes the doves...
Dazzling Lights (1907)
Traduction : C. Perry