Anna de Noailles : 1876-1933. Née à Paris, de mère grecque et de père roumain, la princesse Brancovan et, par son mariage, comtesse Noailles, Anna allie une exubérance toute «orientale» à une riche culture française. Avec son premier recueil de vers, "Le Cœur
innombrable" (1901), réapparaît une poésie romantique, sincère et personnelle, que les recherches symbolistes avaient fait taire. Ses poèmes sont autant de chants qu’elle dédie à la nature, aux paysages et aux jardins, à la vie elle-même. Dans "L’Ombre des jours" (1902), la «muse des jardins», comme la surnomment ses contemporains, exalte la sensualité et l’amour de la vie. Elle est animée d’une confiance panthéiste en l’univers qui la porte vers toutes les voluptés comme vers des formes pures de l’inspiration. Les quelques touches d’inquiétude que lui inspirent la brièveté de la communion avec la nature vont, à la suite d’un deuil, s’emparer peu à peu de sa poésie. Et l’image de la mort deviendra son thème prédominant. [...]. Dans "Les Vivants et les Morts" (1913) et "L’Honneur de souffrir" (1927), elle dit combien les joies terrestres sont éphémères, et sa détresse se module en de mélancoliques regrets. Son lyrisme devient grave et plein d’amertume, cependant que sa poésie, de plus en plus abstraite et détachée du monde, atteint une sorte de résignation où, comme l’indique son dernier titre, la douleur elle-même transcende l’inquiétude de la mort.
Ce néo-romantisme très personnel se moule dans une prosodie classique, complètement à l’écart des recherches contemporaines; mais, malgré son style conformiste, l’œuvre d’Anna de Noailles garde un charme certain.
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Portrait de la Comtesse de Noailles par la duchesse de Luynes (1886).